Pour l’attribution d’un contrat de la commande publique, le pouvoir adjudicateur avait prévu dans son règlement de la consultation que « le mail pourra être utilisé » si toutefois des négociations étaient engagées. Pour garantir la confidentialité, la traçabilité et la sécurité des échanges, l’utilisation du profil d’acheteur ne serait que trop recommandée. Néanmoins, l’usage du mail ne suffisait pas à vicier la procédure en soi puisqu’il s’agissait d’un contrat de concession / délégation de service public (v. l’art. R3122-14 du code de la commande publique).

Cependant, le candidat évincé en l’espèce avait envoyé son offre finale par mail le 5 janvier 2023 à 15h40, et bien que la décision ne précise pas la date limite de réception des offres, elle indique que ce dépôt a été réalisé « plus de 21h avant la date limite ».

Suite au rejet de son offre, ce candidat allégua plusieurs manquements aux principes de sécurité juridique et surtout de confidentialité et de protection du secret des affaires. En d’autres termes, il invoquait l’éventualité d’une prise de connaissance anticipée et de diffusion de son offre à ses concurrents…

Cette argumentation est néanmoins rejetée sur deux points, qui font tout le sel de cette ordonnance.

D’une part, « la quasi-simultanéité de remise des offres à quelques minutes de l’heure limite a fait matériellement obstacle à ce qu’un soumissionnaire bénéficie d’information sur les offres concurrentes et modifie en conséquence son offre ».

Nous remarquons au passage deux choses :

  • les dépôts réalisés avec presque 24h d’écart sont « quasi-simultanés » ;
  • c’est finalement l’habitude des entreprises de déposer à la dernière minute – en dépit des conditions générales d’utilisation des plateformes… – qui vient sauver ici le pouvoir adjudicateur .

D’autre part, bien que l’offre ait été téléchargée presque 24h avant l’expiration du délai de remise des offres, la directrice des marchés de l’acheteur a attesté sur l’honneur et sous sa responsabilité que l’offre n’avait pas pour autant été ouverte Dès lors, le fait que l’offre ait été téléchargée précocement n’a pas pu, « en l’espèce », vicié la procédure en donnant lieu à des fuites d’informations.

Nous ne pouvons nous empêcher là encore de remarquer des choses. À savoir que c’est la seule appréciation concrète des faits qui permet de dire que le téléchargement précoce n’a pas vicié la procédure, et qu’une autre configuration aurait très bien pu amener la conclusion inverse… Ensuite que cette affaire nous rappelle la force probante que peut avoir l’attestation sur l’honneur d’un agent public, logique, dans la mesure où détenir la qualité d’agent public est une circonstance aggravante dans le délit de faux et usage de faux (art. 441-1 et s. du code pénal).

Avant de crier victoire, soulignons tout de même que le juge commence par dire que « la remise des offres finales sur support dématérialisé dans les circonstances sus évoquées (…) n’offre pas de garantie de confidentialité des offres ». Ce sont encore les circonstances de l’espèce qui viennent au secours du pouvoir adjudicateur.

Alors, acheteurs, ne boudez pas trop vite votre profil !

TA Toulon, ord. réf. 22 mars 2023, n° 23005556