Thématique d’actualité, la sous-traitance fait l’objet présentement d’un projet de loi visant à réduire les sous-traitants « en cascade »[1]. Une des raisons évoquées est que ceux-ci « n’obtiennent pas toujours de leur donneur d’ordre les garanties exigées par les textes ». Cela est illustré par notre cas où le requérant, sous-traitant de second rang, a peiné à voir reconnaitre son statut, et le paiement direct par l’acheteur. Il attaque donc le maître d’ouvrage en responsabilité.

La possible action directe du sous-traitant

L’article 12 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance dans sa version alors applicable prévoit que « Le sous-traitant a une action directe contre le maître de l’ouvrage si l’entrepreneur principal ne paie pas, un mois après en avoir été mis en demeure, les sommes qui lui sont dues en vertu du contrat de sous-traitance ; copie de cette mise en demeure est adressée au maître de l’ouvrage ».

Ainsi le sous-traitant accepté et dont les conditions de paiement sont agréées [2]peut engager, devant le juge administratif, une action en paiement directe pour obtenir le paiement des sommes demandées[3].

Ce moyen (pourtant très intéressant !!), est écarté d’office par les requérants eux-mêmes.

En effet ces derniers ont renoncé en première instance et dans leur requête, à demander l’application de ces dispositions. Ils recherchent uniquement la responsabilité pour faute du maître d’ouvrage.

Sous-traitant ou fournisseur ?

Les entrepreneurs reprochent au maître d’ouvrage d’avoir eu connaissance de leurs prestations sur le chantier.

Il aurait commis une faute en méconnaissance de l’article 14-1 de la loi précitée. Celle-ci impose : « pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics : le maître de l’ouvrage doit, s’il a connaissance de la présence sur le chantier d’un sous-traitant n’ayant pas fait l’objet des obligations définies à l’article 3 ou à l’article 6, ainsi que celles définies à l’article 5, mettre l’entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s’acquitter de ses obligations. ».

La jurisprudence a maintes fois rappelé sa responsabilité au maître d’ouvrage lors des manquements sur cette aspect (notamment CE, 3 mars 2010, n° 304604).

Les défendeurs arguent qu’effectivement la société requérante n’avait pas été présentée pour acceptation. Cependant ils estiment qu’ils n’ont pas commis de faute de nature à engager leur responsabilité.

En effet, le 27 octobre 2015, l’acheteur avait mis en demeure l’entrepreneur de satisfaire à ses obligations. Une déclaration de sous-traitance à transmettre dans un délai de huit jours avait été jointe. En réponse celui-ci avait évoqué la qualité de fournisseur et non de sous-traitant.

Quelle différence ? Un fournisseur a un contrat qui ne contient pas d’obligations de faire mais comporte uniquement une obligation de vendre. Par exemple « Quand la société n’a effectué aucune prestation d’installation et de montage et que rien n’établit qu’elle a fabriqué un ascenseur répondant à des spécifications particulières » ( CAA Nantes, 4e ch., 23 févr. 2018, n° 16NT01170).

Il y a à l’inverse sous-traitance lorsque les prestations nécessitent des spécifications techniques particulières à la demande de l’entrepreneur, et font l’objet d’adaptations particulières en vue d’y répondre.[4]

En l’espèce les prestations nécessitaient bien une adaptation, les armatures en béton ont été coupées et façonnées par la société d’armatures spéciales dans son usine à la demande de l’entrepreneur.

L’absence de faute du maître d’ouvrage

C’est seulement à partir du courrier du 18 septembre 2015 que la société a indiqué sa qualité de sous-traitante. Comme elle l’indique elle-même, ce n’est que depuis lors que le défendeur connaissait sa qualité de sous-traitant impayé.

L’article 14-1 précité n’est donc plus applicable, et la responsabilité du maître d’ouvrage ne peut être recherchée sur ce fondement.

De surcroit, aucune autre disposition législative ou règlementaire ne conférait au maître de l’ouvrage, pour pallier les carences de l’entrepreneur, le pouvoir de prononcer l’acceptation du sous-traitant en l’absence d’une demande de l’entrepreneur.

Les juges renvoient donc in fine le sous-traitant à sa relation de droit privé avec l’entrepreneur.

Cour administrative d’appel de Versailles, 5ème chambre, 16 mars 2023, 18VE02937


[1] Voir notre billet Douche froide pour la sous-traitance « en cascade » ? et plus largement notre infographie sur la sous-traitance en général

[2] Article 3 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975  

[3] CE, 18 septembre 2019, n° 425716

[4] CAA de Nantes, 30 décembre 1999, Société Biwater