Alors que le seuil de dispense de procédure ne cesse d’être augmenté[1], il est bon de rappeler ce que peut engendrer la signature d’un simple devis.

Une commune a publié sur internet un document nommé « achat des tables et des chaises – cahier des charge » sur un site dédié à la publication d’appels à la concurrence. Cette publication indiquait que la commune cherchait un prestataire pour la fourniture de 760 chaises, empilables par 10.

Suite à cette publication, le maire de la commune a signé un devis qui portait sur la fourniture de 700 chaises empilables pour une somme avoisinant les 50 000€HT. Sauf que voilà, la commune s’aperçoit que ces chaises ne s’empilent pas si bien, avec une tendance à chanceler dès 5 chaises empilées. Cette dernière a donc saisi le tribunal administratif en se fondant sur la garantie des vices cachés pour demander la résolution du contrat.

Le cahier des charges de la commune n’est pas une pièce contractuelle.

Les premiers juges ont estimé que le devis établi par le fournisseur des chaises faisait suite à l’avis d’appel à la concurrence. Or, les juges d’appel concluent que le document mis en ligne nommé comme étant le cahier des charges ne saurait être regardé comme une pièce contractuelle au seul motif que le devis a été établi consécutivement à l’appel public à la concurrence.

Le devis est la seule pièce constitutive du marché.

Cet avis a été lancé selon une procédure adaptée, permettant ainsi de négocier. Il reste que la négociation peut porter sur tous les éléments de l’offre, et notamment en l’espèce sur les caractéristiques techniques des chaises. Les juges de première instance estiment donc que le devis signé et accepté par le maire de la commune, en sa qualité de représentant du pouvoir adjudicateur, doit être regardé comme la seule pièce constitutive du marché.

Cela étant dit, oui les chaises sont difficilement empilables, mais pour autant elles assurent leur fonction première : permettre de s’asseoir. Ainsi, les juges de première instance et d’appel s’accordent à dire que les chaises ne sont pas impropres à leur destination.

Le devis mentionne expressément le caractère « empilable ».

Etant donné que seul le devis est contractuel, les juges précisent que le « caractère empilable » était mentionné expressément. Considérant ainsi les circonstances d’établissement du devis les juges concluent que les parties ont entendu indiquer « qu’un nombre substantiel de celles-ci devait pouvoir être empilé sans occasionner de difficultés de manutention ou de stockage ».

Ces chaises ne sont donc pas conformes à l’une des principales spécifications convenues contractuellement – être empilées en nombre – la commune a donc subi un préjudice d’usage et peut donc être indemnisée.

Le devis a donc ses limites, il convient de rester vigilant sur la définition du besoin et la forme choisie pour sa contractualisation. Autant veiller à rester maître du jeu en faisant signer le cahier des charges établi par le maître d’ouvrage.

CAA de Nantes, 16 octobre 2020, Commune de St Léger, n°19NT04940


[1] 40 000€HT depuis le 1er janvier 2020, puis relèvement à 70 000€HT pour les marchés de travaux par le décret n° 2020-893 du 22 juillet 2020, enfin Projet de loi ASAP prévoit de relever le seuil à 100 000€HT pour les marchés de travaux.