En matière de publicité, il y a des mentions qu’il convient de ne pas oublier…Si au niveau national le Conseil d’État s’est penché sur l’indication du montant estimé dans la publicité[1] (voir notre article : Game over : la mention du montant estimatif dans la publicité est bien obligatoire pour les accords-cadres) la Cour européenne quant à elle a été interrogée sur l’information de la valeur maximale des achats envisagés.

Deux régions danoises ont conclu un accord-cadre pour l’achat d‘équipements médicaux suite à une procédure ouverte de marché. En l’occurrence, l’avis de marché ne contenait ni la valeur estimée, ni la valeur maximale des produits dont l’achat était prévu.

Suite à la conclusion de l’accord-cadre un candidat évincé, estimant que les régions auraient manqué aux obligations de publicité et méconnu les principes d’égalité et de transparence, a saisi la juridiction danoise qui a posé une question préjudicielle à la CJUE.

→ Les principes d’égalité de traitement et de transparence doivent-ils être interprétés en ce sens que l’avis de marché doit contenir des informations sur la valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre ?

La nécessité de communiquer la valeur estimée

Dans un premier temps, la Cour rappelle que le pouvoir adjudicateur doit mentionner l’ordre de grandeur total estimé du marché, cette information devant être fournie pour chaque lot lorsque le marché est alloti. La référence à un simple « ordre de grandeur » plutôt qu’à une valeur précisément définie, suggère que l’évaluation réclamée au pouvoir adjudicateur peut être approximative.

La directive 2014/24[2] dispose qu’un accord-cadre a pour objet d’établir, « le cas échéant », les quantités envisagées. En se référant à la locution adverbiale « le cas échéant », cette disposition précise, en ce qui concerne spécifiquement les quantités des produits à fournir, que celles‑ci doivent, autant que possible, être établies dans un accord-cadre.

La seule interprétation littérale de ces dispositions n’est pas concluante pour la juridiction européenne, et ne permet pas de déterminer si un avis de marché doit indiquer la valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre.

La nécessité de considérer les principes de la commande publique

La Cour rappelle l’obligation du respect des principes d’égalité de traitement et de transparence et considère qu’il ne peut être admis que le pouvoir adjudicateur s’abstienne d’indiquer dans l’avis une valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre.

Il en découle que toutes les conditions de la procédure d’attribution soient formulées de manière claire, précise et univoque. Cette information peut figurer soit dans l’avis de marché, soit dans le cahier des charges, du moment que ce dernier est accessible gratuitement par moyen électronique sans restriction.

L’importance stratégique de mentionner la valeur maximale dans les avis

L’objectif selon les juges européens est de permettre à tous les soumissionnaires de comprendre la portée exacte des modalités de la procédure d’attribution et de les interpréter de la même manière. Pour le pouvoir adjudicateur cela permet d’être en mesure de vérifier effectivement si les offres des soumissionnaires correspondent aux critères régissant le marché en cause.

Pour la Cour, l’absence de valeur maximale contractuelle pourrait conduire l’acheteur à passer des commandes pour un montant beaucoup plus important qu’indiqué dans l’avis de marché et constituer ainsi une utilisation abusive de la technique des accords-cadres. Le risque est donc celui d’une modification substantielle au bénéfice du titulaire par rapport aux conditions initiales de mise en concurrence.

Autrement dit, l’indication par le pouvoir adjudicateur de la valeur estimée ainsi que d’une valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre « revêt une importance considérable pour un soumissionnaire ».

La Cour conclut que l’avis de marché doit indiquer la valeur estimée ainsi qu’une quantité et/ou une valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre. Une fois que cette limite aura été atteinte, l’accord-cadre aura épuisé ses effets.

Finalement, le principe de transparence sacralise l’importance de la définition du besoin et de son estimation la plus précise possible. Autant dire que sur des accords cadres de grande envergure au niveau européen, notamment pour des centrales d’achats, ce ne sera pas chose aisée. Il pourra être tentant de fixer des maximums au sommet, visés au doigt mouillé ?

CJUE 17 juin 2021 Simonsen & Weel A/S c/ Region Nordjylland og Region Syddanmark, aff. C‑23/20


[1] CE, 12 juin 2019, Société SONOCAR, n°427397

[2] Article 33 alinéa 1 de la Directive 2014/24