Quelle répartition des pouvoirs entre Exécutif, assemblée délibérante et CAO dans le droit de la commande publique ? On fait le point !
La Commission d’Appel d’Offres et l’attribution :
La Commission d’Appel d’Offres intervient en réalité bien en amont de la signature du contrat, au moment du choix de l’attributaire.
C’est-à-dire, de l’entreprise soumissionnaire qui, si elle fournit les attestations attendues dans le délai requis, pourra signer le marché et devenir le titulaire, l’élu… [1]
Dans un précédent billet, nous vous présentions une infographie qui résume les règles de recours obligatoire à la C.A.O.
Qu’en retenir ?
- Son intervention obligatoire concerne uniquement l’attribution,
- dans toutes les procédures formalisées,
- mais uniquement les procédures formalisées,
- et seulement si le montant estimatif de la consultation dépasse les seuils européens.
- Même toutes ces conditions réunions, il existe une exception en cas d’urgence impérieuse.
Et une fois le marché régulièrement attribué, reste encore à le signer !
L’assemblée délibérante et la signature :
Aux termes du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), le Maire détient des pouvoirs en tant qu’exécutif et en tant que délégataire des décisions du Conseil municipal[2].
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En tant qu’exécutif des décisions du Conseil municipal, il est notamment chargé de « souscrire les marchés ». On entend par là lancer et mener jusqu’à son terme une procédure de mise en concurrence, ce qui inclut par exemple la signature et la notification du marché.
C’est dans cet esprit d’« exécution » qu’une délibération doit nécessairement autoriser le maire à signer les marchés contractés au nom de sa commune. C’est, en réalité, l’assemblée délibérante qui dispose du pouvoir juridique de contracter.
Mais « exécuter » une délibération supposerait que la délibération préexiste ? Que nenni !! La délibération de l’assemblée locale n’est pas nécessaire pour lancer une procédure de marché.
Aussi, « si le maire ne peut contracter au nom de la commune, sans y avoir été autorisé par une délibération expresse du conseil municipal, aucune disposition législative ou règlementaire (…) n’impose au maire d’obtenir une telle délibération pour lancer et mener à terme une procédure d’appel d’offre ouvert »[3].
À l’extrême inverse, le Conseil d’État avait même jugé, un temps, que la délibération ne pouvait qu’être subséquente à la procédure de mise en concurrence : pour souscrire un marché, le Maire devait y avoir été autorisé par le Conseil municipal en connaissance des éléments essentiels du contrat tels que son montant exact et l’identité de l’attributaire.
Mais le législateur a rapidement pris le contrepied, et désormais l’article L.2122-21-1 du CGCT prévoit clairement la possibilité de délibération en amont de la procédure de passation.
En résumé, lancer une procédure de marché ressort de la compétence du maire ; en tirer les conséquences en décidant de la signature ressort de la compétence de l’assemblée délibérante.
En tant que délégataire du Conseil municipal, cette fois, le Maire peut être chargé de « prendre toute décision concernant la préparation, la passation, l’exécution et le règlement des marchés et des accords-cadres ainsi que toute décision concernant leurs avenants, lorsque les crédits sont inscrits au budget » (article L 2122-22 4° CGCT). Et à ce titre, il peut ainsi se voir déléguer la compétence de décider de contracter qui appartient au conseil municipal.
C’est le système de la délégation de pouvoirs, qui permet de se passer de délibération à chaque marché (dans la limite des prescriptions de la délibération d’habilitation).
Ainsi, là où le maire-exécutif sollicite une délibération d’autorisation de signer à chaque marché, le maire-délégataire s’appuie sur une délibération d’habilitation pour s’autoriser lui-même à signer tous les marchés compris dans le périmètre de la délégation.
Toutefois, pour signer un marché sur la base de cette délégation de pouvoir sans reprendre une délibération spécifique, il est indispensable que les crédits soient inscrits au budget. Dixit l’article L.2122-22 4° précité.
La limite de montant qui correspondait au seuil des procédures formalisées a été supprimée en 2009[4]. La délégation de pouvoirs est donc désormais possible quel que soit le montant. Chaque assemblée délibérante conserve bien sûr le pouvoir de prévoir un montant plafond, ou d’autres type de limitation, dans leur délégation de pouvoir au Maire.
De plus, le Maire agissant ici comme délégataire doit rendre compte à l’assemblée délibérante de l’utilisation qu’il a fait de cette délégation de pouvoir (article L.2122-23 CGCT).
Dans tous les cas, le Maire qu’il agisse comme exécutif ou comme délégataire doit s’appuyer sur une délibération exécutoire. C’est-à-dire, transmise préalablement au contrôle de légalité.
Il est vrai que le contrat administratif n’est plus entaché de nullité dans le cas où une telle délibération n’avait pas été transmise[5], mais le risque contentieux n’est pas nul, loin de là, et si une résiliation judiciaire avec effet différé n’est pas à exclure, l’hypothèse d’une condamnation pécuniaire l’est encore moins !
[1] Dans la négative, la société classée première peut ainsi être attributaire mais ne jamais devenir titulaire du marché, ce dernier étant attribué à l’auteur de la deuxième offre la mieux classée.
[2] À noter que les dispositions applicables aux départements, régions et établissements publics sont calquées sur ces dispositions. Par mesure de simplicité, donc, il sera fait référence au « Maire » et au « Conseil municipal », bien qu’ils ne soient pas les seuls concernés.
[3] CE, 4 avril 1997, Préfet du Puy-de-Dôme c/ Commune d’Orcet, n°151275 ; CE, 27 juillet 2001, Société Degremont, Syndicat intercommunal d’assainissement et de protection de l’environnement de Toulon, La garde, Le Pradet, n°232820 et 232950.
[4] Loi n°2009-179 du 17 Février 2009
[5] CE Sect., 28 décembre 2009, Commune de Béziers, n° 304802.