Petit guide de la résiliation pour faute

Petit guide de la résiliation pour faute

L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 30 octobre 2023 n’est pas novateur, mais il a le mérite d’être un guide complet – non pas du voyageur galactique, mais – de l’acheteur mécontent.

Quand peut-on prononcer une résiliation pour faute ?

D’après le Conseil d’État, n’importe quand, mais pas pour n’importe quoi ! C’est-à-dire que l’acheteur dispose toujours de ce pouvoir, mais ne peut l’exercer que pour sanctionner une faute suffisamment grave.

La CAA nous rappelle que la gravité de la faute peut être définie par le contrat, et donc l’acheteur (subjectivement), ou par la jurisprudence (objectivement) (Voir notre billet « Quelle faute peut justifier une résiliation ? »).

« La circonstance que le contrat ne prévoit la résiliation pour faute du contrat qu’en cas de retard dans la réalisation des travaux, et après avis du maître d’œuvre, et non en cas de retard dans la réalisation des études de conception, ne saurait priver la commune du droit de procéder à la résiliation du contrat (…). Dans ce cas toutefois, seule, une faute d’une gravité suffisante est de nature à justifier la résiliation du contrat au tort exclusif de son titulaire ».

Qui peut prononcer une résiliation ?

A priori, c’est la personne compétente pour signer le marché qui l’est pour l’exécuter. Avec cette nuance que, au sein des collectivités territoriales où le pouvoir « d’action » est réparti entre Exécutif et Délibératif, tout va s’apprécier au regard de l’existence et du contenu des délégations de compétence.

Faut-il nécessairement un constat contradictoire ?

La CAA le rappelle, le CCAG applicable aux marchés de travaux prévoit effectivement l’intervention obligatoire de ce constat contradictoire, préalablement à toute résiliation. En l’espèce, le marché en cause relevait de la conception-réalisation, et il était donc juridiquement un marché de travaux soumis à ce CCAG par l’acheteur…

Qu’à cela ne tienne ! « Ce procès-verbal contradictoire a pour seul objet de constater les ouvrages et parties d’ouvrages exécutés. La résiliation étant intervenue alors que le marché était encore dans la phase de conception, cette formalité ne pouvait trouver à s’appliquer. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ne peut donc être utilement invoqué à l’encontre de la mesure de résiliation ».

Faut-il nécessairement une mise en demeure ?

Là encore, la CAA le rappelle : cette mise en demeure est non seulement obligatoire mais sujette à des contraintes de forme et de fond. Et, par exemple, elle doit comporter l’énoncé des griefs qui pourront, faute pour le titulaire d’y remédier, justifier la résiliation.

Dans le cas contraire, c’est comme si l’acheteur n’avait pas émis de mise en demeure…

Ainsi « la mise en demeure adressée au groupement (en l’espèce) porte seulement sur la communication du calendrier détaillé prévu par (le cahier des charges particulier). La société est donc fondée à soutenir que les autres griefs énoncés dans la décision de résiliation ne pouvaient régulièrement l’être ». Dura lex, sed lex !

Enfin, qu’est-ce qu’une faute objectivement grave ?

La CAA en fournit un nouvel et bel exemple. En l’espèce, le CCAP du marché prévoyait que le titulaire devait établir un calendrier détaillé du chantier dans le respect du délai global d’exécution.

Un 1er planning avait été établi, mais du fait de retards de part et d’autre, il avait été abandonné d’un commun accord (selon l’analyse du juge). L’acheteur avait donc demandé l’édiction d’un 2nd planning, conformément au CCAP du marché.

Le groupement titulaire lui a alors fourni un calendrier qui comprenait des durées mais aucune date, précisant que « le point de démarrage [de ce] planning est (…) la validation de la nouvelle [décomposition du prix global et forfaitaire intégrant l’ensemble des problématiques non anticipables déjà évoquées] ».

On ne saurait être plus clair… « L’absence d’établissement du calendrier détaillé, requis par les stipulations contractuelles, et qui conditionnait la poursuite de la bonne exécution du marché, s’explique par la volonté (du mandataire) de faire pression sur la commune pour qu’elle accepte la demande de rémunération complémentaire sollicitée par le groupement ».

Sans grande surprise, la cour administrative d’appel de Marseille juge que l’extorsion est une faute d’une gravité suffisante pour justifier la résiliation du marché.

Eh oui. L’extorsion, « c’est vilain » d’après l’article 312-1 du code pénal J

Cour administrative d’appel de Marseille, 6ème chambre, 30 octobre 2023, 22MA01065