« On n’est jamais mieux servi que par soi-même » ! De cette maxime, le Conseil d’État a fait une règle juridique lorsqu’il s’agit d’une personne publique : celle-ci ne peut en principe saisir le juge pour obtenir quelque chose que ses prérogatives de puissance publique lui permettraient déjà d’obtenir directement. Mais en matière contractuelle, les choses ne sont pas simples. Car les obligations de faire ne sont pas quelque chose que l’Administration peut soutirer par la contrainte.

C’est pourquoi le juge accepte d’être saisi, et même de prononcer une astreinte, et même par voie de référé d’urgence !

Il en va ainsi, par exemple, lorsqu’une entreprise titulaire d’une concession de ski a fixé les tarifs usagers en méconnaissance manifeste des tarifs fixés par l’organe délibérant de l’autorité concédante elle-même.

Plus exactement, en l’espèce, le multi-concessionnaire de plusieurs domaines skiables avait obtenu l’aval de cinq autorités concédantes sur six… Et avait choisi de commercialiser le forfait d’accès au tarif approuvé par le plus grand nombre.

Le sixième larron s’est évidemment senti lésé 😊

Le Conseil d’État rappelle qu’il PEUT être saisi, même en urgence… et vient immédiatement écarter une telle urgence en l’espèce.

Du point de vue juridico-juridique, cette position est parfaitement justifiée, puisque l’urgence suppose que des intérêts publics ou privés soient « en danger », c’est-à-dire qu’une atteinte suffisamment grave et immédiate leur est portée.

En l’espèce les conséquences financières de la baisse tarifaire décidée par la 6e autorité concédante sont difficiles à concevoir comme une atteinte grave et immédiate à ses intérêts.

Aux intérêts de ses administrés ? On peut le concevoir, mais il reste difficile de conclure qu’il y a une atteinte « grave » à leurs intérêts.

L’autorité concédante est donc renvoyée devant le juge du fond, qui intervient en moyenne dans un délai allant de 7 mois à 2 ans en fonction de la difficulté du dossier… Autant dire que l’autorité concédante est laissée sans recours pour la saison d’hiver actuelle. Il n’a plus qu’à croiser les doigts pour que le juge se prononce avant la fin du contrat !

CE, 15 janvier 2024, n° 489157


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