Préférence nationale ou locale, critères géographiques… Un champ lexical qui apparaît être aux antipodes du droit de la commande publique et du principe de libre circulation établi au sein de l’Union européenne.
Et pourtant, le sujet se veut lancinant (Voir notre article : Comment favoriser les entreprises françaises dans les marchés publics)…
Le Gouvernement a été une nouvelle fois interrogé par un député sur l’opportunité de l’inclusion d’un mécanisme de préférence locale.
Cette fois-ci, les arguments soulevés étaient abordés sous le prisme des effets de la crise de la crise sanitaire et de la nécessaire prise en compte du développement durable.
Oui mais… en matière de commande publique, notre droit national n’est qu’une pure transposition des directives de l’Union européenne[1]. Or, les Etats ne disposent que de peu (voire aucune) marge de manœuvre, ces derniers étant contraints de respecter le principe de primauté du droit de l’Union européenne[2].
C’est la raison pour laquelle la Réponse ministérielle indique que les principes constitutionnels et européens, dont sont issus les principes fondamentaux de la commande publique[3], interdisent d’attribuer des marchés sur la base d’une préférence locale ou nationale.
Il est toutefois rappelé que le droit de la commande publique n’est pas pour autant dénué de tout levier permettant de favoriser tant l’achat local que la réduction de l’empreinte énergétique.
En effet, à l’image d’une liste à la Prévert, la Réponse ministérielle énumère l’ensemble des leviers mobilisables par les acheteurs, dont :
- La faculté pour l’acheteur d’introduire des spécifications techniques et des conditions d’exécution qui visent à promouvoir les offres de qualité, innovantes et protectrices de l’environnement… sur lesquelles entreprises françaises et européennes sont à leur avantage ;
- La prise en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économiques, sociale et environnementale lors de la définition du besoin[4] permet d’orienter l’achat;
- L’allotissement favorise l’accès des PME ;
- Le choix des critères d’attribution et leur pondération peut rétablir l’équilibre au bénéfice des offres européennes et nationales. Sur ce point l’acheteur peut prévoir une pondération plus ou moins élevée s’agissant du critère environnemental.
- Enfin, il est rappelé que les évolutions récentes de l’état du droit contribuent à renforcer les incitations à poursuivre des politiques publiques prioritaires dans le domaine économique et environnemental. Il en va ainsi de l’adoption de la Loi Climat et Résilience (Voir notre article : Quel est l’impact sur le CCP de la loi « Climat et résilience » ?) qui permet de renforcer la prise en compte de la protection de l’environnement mais aussi de la mise en œuvre du Plan national d’action pour les achats publics durables (PNAAD) ou encore la refonte des CCAG (Voir notre article : Nouveaux CCAG : que faut-il retenir ?).
En conclusion, la porte est une nouvelle fois fermée à la préférence nationale (ou locale). Pour autant, l’acheteur dispose d’une palette de mesures qui lui permettent de favoriser, de manière incidente, les politiques économiques et environnementales au plan local, national et communautaire.
Réponse du Ministre de l’économie, des finances et de la Relance du 7 septembre 2021 – page 6695.
[1] Directive 2014/25/UE du 26 février 2014 relative aux marchés publics et Directive 2014/23/UE du 26 février 2014 relative aux concessions.
[2] Le principe de primauté interdit aux Etats membres d’adopter des mesures nationales contraires au droit de l’Union européenne. Voir par exemple : CJCE, 15 juillet 1964 Costa c/ Enel n°6-64 ou encore CJCE, 9 mars 1978 Simmenthal n°106/77.
[3] Les principes fondamentaux de la commande publique sont rappelés à l’article L.3 du Code de la commande publique. Il s’agit des principes d’égalité de traitement des candidats, de liberté d’accès à la commande publique et de transparence de la procédure.