D’une pierre, deux coups : bien préparer sa rentrée 2022 et fêter dignement l’anniversaire de la loi « principes de la République », c’est désormais chose faite pour la DAJ qui nous livre sa toute dernière fiche technique. Au programme :
- des clefs pour mieux comprendre les obligations qui découlent de l’article 1er de la loi du 24 août 2021,
- mais également un clausier-type annexé, destiné aux acheteurs et autorités concédantes.
Pour démêler ces obligations issues de la loi, nous vous proposions une Infographie dans un précédent billet. Il faut désormais ajouter les précisions apportées par la D.A.J.
Un champ matériel précisé
Quels sont les contrats visés ? Les contrats de la commande publique qui ont pour objet, à proprement parler, l’exécution d’un service public (SP). Donc, principalement les concessions de service (public) bien sûr, mais également les marchés de service lorsque le service est public ! (ex., les marchés de transports scolaires).
A priori, les marchés de fournitures remplissent des fonctions dites « support » et sont donc exclus. La D.A.J. attire toutefois l’attention, à juste titre, sur l’existence de fonctions supports qui impliquent la participation du cocontractant au service public.
Ainsi, par exemple, les hôpitaux devront garder en mémoire la jurisprudence selon laquelle la « communication extérieure des patients », dont les abonnements de télévision, relève d’un service public[1], ou encore que la location d’un robot chargé de préparer et dispenser aux patients les médicaments prescrits par leur médecin fait participer directement le bailleur à l’exécution du service hospitalier[2].
Un clausier-type pour mettre en œuvre la loi « principes de la République »
Côté acheteur / autorité concédante, premier responsable du SP, la loi de 2021 met à sa charge une obligation rédactionnelle particulière en lui imposant de stipuler des clauses spécifiques. Mais sa brièveté pouvait donner une sensation de vertige…
La D.A.J. précise que la mise en œuvre de cette obligation suppose :
- d’une part de rappeler les obligations inhérentes aux principes du service public,
- et d’autre part de prévoir des modalités crédibles de contrôle effectif, de sanction ainsi que de coercition du cocontractant.
En outre, elle offre aux concernés de très attendues clauses-types, au nombre de 7, proposées en annexe, dont ils pourront s’inspirer.
Ces clauses récapitulent les principaux points évoqués dans la fiche technique (hormis ceux qui intéressent la passation). La D.A.J. rappelle à plusieurs reprises qu’elles devront nécessairement faire l’objet d’une adaptation, mais leur existence rassurante ne pourra que motiver les rédacteurs à prendre enfin leur envol !
Un point sur les obligations du titulaire
Côté titulaire, rien de nouveau sous le soleil : la D.A.J. rappelle que le cocontractant qui confie une partie de l’exécution du SP dont il a la charge a désormais de nouvelles obligations de communication :
- le concessionnaire communique automatiquement les sous-concessions ;
- le titulaire du marché communique désormais la sous-traitance sans attendre la demande de l’acheteur, là où il n’est tenu que de faire suite à une demande dans le cas où il ne se décharge pas du SP.
De manière générale, la D.A.J. passe au crible du cadre particulier du SP la qualification de manquements aux obligations du titulaire – pas seulement de communication ! – ainsi que les modalités de leur sanction contractuelle (pénalités, résiliation, exécution aux frais et risques…).
Un impact important sur la passation… ?
C’est sans doute l’apport principal (avec les clauses-types !) de la fiche technique. Procédant comme elle le fait souvent à une lecture constructive de la loi, la D.A.J. estime que les « conséquences » nécessaires de ce qui précède doivent être tirées dès la mise en concurrence du ou des futurs contrats.
Un affichage clair et sans équivoque dans le cahier des charges
La D.A.J. recommande tout d’abord de sensibiliser les entreprises ainsi que de leur permettre de s’organiser sur le plan interne. Pour cela, « les acheteurs et autorités concédantes indiquent expressément que le contrat doit être exécuté en respectant les principes d’égalité, de neutralité et de laïcité ». Il faut sans doute entendre qu’un petit préambule ou qu’une belle mention en première page du CCAP / CCP serait la bienvenue !
Clefs pour l’analyse des candidatures et des offres
L’œuvre constructive se poursuit ensuite concernant l’examen des candidatures.
À ce stade, une conformité du fonctionnement interne de l’entreprise (au cadre et aux règles du SP) ne peut être exigée. Cela découle des principes européens et plus spécifiquement du libre-accès à la commande publique, mais également du caractère limitatif des textes internes listant les pièces de candidature pouvant être demandées.
La D.A.J. donne en outre des précisions concernant l’appréciation des références ou des manquements passés justifiant une exclusion, dans le cadre particulier des obligations de service public.
Concernant l’analyse des offres, au contraire, une conformité doit être exigée, entre la « promesse » de l’entreprise, son offre, et le cahier des charges incluant le cadre de SP. Ce qui est somme toute logique, puisque les futures pièces du marché ne peuvent pas se contredire, et qu’une offre qui méconnait le cahier des charges sur quelque aspect que ce soit doit être qualifiée d’irrégulière et rejetée à ce titre[3].
De plus, il est possible d’intégrer au jugement des offres un critère relatif à la garantie des principes du SP.
Interprétation qui peut de prime abord paraître aberrante… La loi « principe de la République » impose des clauses de garantie. Or, une clause ou condition d’exécution donne lieu à une appréciation binaire (l’offre est classée ou rejetée), alors qu’un critère donne lieu par définition à une appréciation nuancée (l’offre est notée, peut-être même à 0, mais elle ne peut en tout état de cause être rejetée[4]).
Toutefois, rien n’interdit de combiner l’effet de plancher de la clause et l’effet incitatif du critère : le soumissionnaire sera éliminé en-dessous du plancher et mis en concurrence sur la plus-value proposée au-dessus. C’est en ce sens que la D.A.J. cite à titre d’exemple « un critère portant sur la façon dont le titulaire va contrôler le respect de ces principes, effectuer un reporting auprès de l’acheteur, etc. ».
Notons enfin que la D.A.J. précise qu’ « un tel critère technique devrait, pour garantir une plus grande transparence et lisibilité, s’accompagner de sous-critères précis et proportionnés ». Et puisqu’un bon renvoi vaut mieux qu’une mauvaise répétition, nous ne pouvons qu’inviter chaudement nos chers lecteurs à aller consulter les nombreux et riches exemples passés en revue dans la suite de la fiche !
[1] CE, 7 mars 2014, CHU – Hôpitaux de Rouen c/ société Locatel France, n° 372897. En l’espèce, le contrat est qualifié de délégation de service public, l’équivalent d’une concession aujourd’hui, mais la distinction entre marché de service et concession ne repose que sur le montage financier du contrat. Si l’hôpital devait financier en tout ou partie les abonnements de TV, il est plus-que-probable que la qualification de marché l’emporte.
[2] TC, 23 février 2004, Société Leasecom, n° C3371.
[3] Articles L.2152-1 et L.2152-2 du CCP.
[4] Sauf bien sûr à ce que l’autorité contractante ait prévu des notes éliminatoires.