Il est désormais acquis que tous les contrats administratifs, et notamment les marchés publics, peuvent désormais voir leur validité contester par les tiers au contrat (voir notre récent billet concernant la durée dans lequel ce recours peut être exercé).

Parmi ces tiers : le concurrent évincé.

Cependant, nombreuses sont les embûches sur la route menant à l’annulation du contrat, et bien souvent le requérant n’obtient qu’une indemnité voire une victoire symbolique.

Reste que certains moyens dits d’ordre public permettent de « faire un strike », puisqu’ils sont non seulement invocables sans restriction mais qu’ils entraînent au surplus à coup (presque) sûr l’annulation (à moins qu’un sérieux motif d’intérêt général s’y oppose aux yeux du juge).

Ces moyens comprennent entre autres les vices du consentement de la personne publique et le contenu illicite du contrat. Mais qu’est-ce qu’un « contenu » illicite ?


La cour administrative d’appel vient d’apporter sa contribution à la définition, par la négative, de ce qu’est le contenu illicite du contrat. En effet, le défaut de qualification requises pour l’exécution des prestations de l’accord-cadre ne constitue pas un contenu illicite pour un accord-cadre.

Si le bon sens permettait en l’espèce de douter, la règle de droit pouvait difficilement s’appliquer autrement.

Certes,

  • le prestataire retenu ne disposait d’aucune qualification,
  • et ces qualifications n’étaient pas exigées par le pouvoir adjudicateur mais par la loi elle-même : la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

Or, il s’agissait d’un accord-cadre pour de la prestation de conseil juridique.

Néanmoins, comme le rappelle la Cour :

« le contenu d’un contrat ne présente un caractère illicite que si l’objet même du contrat, tel qu’il a été formulé par la personne publique contractante pour lancer la procédure de passation du contrat ou tel qu’il résulte des stipulations convenues entre les parties qui doivent être regardées comme le définissant, est, en lui-même, contraire à la loi, de sorte qu’en s’engageant pour un tel objet, le cocontractant de la personne publique la méconnaît nécessairement ».

De sorte que le caractère licite ou non du contenu d’un contrat doit nécessairement s’apprécier in abstracto, indépendamment du cocontractant retenu !

Aussi la cour peut-elle conclure que :

« La circonstance qu’un contrat confie certaines prestations pouvant être qualifiées de prestations de conseil juridique, à un prestataire qui ne remplit pas les conditions requises à cet effet par les dispositions de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, n’est pas de nature à entacher d’illicéité l’objet même du contrat, une telle irrégularité concernant les qualifications de ce prestataire et non l’objet même du contrat ».

CAA PARIS, 4e chambre, 13 juillet 2022, n° 20PA01663, Inédit au recueil Lebon