Signature électronique : c’est quoi ?

Il existe trois niveaux de signature électronique mais en réalité seulement deux sont déterminés réglementairement.

Au niveau européen, le règlement eIDAS[1], qui détermine notamment les normes requises pour assurer la sécurité de la signature électronique, définit la signature avancée[2] et la signature qualifiée[3], qui répondent toutes deux aux normes ETSI[4].

La signature électronique dite « simple » est en fait, par la négative… tout le reste ! Elle n’obéit à aucun critère particulier.

Dans tous les cas, la règlementation accepte trois formats – PAdES, XAdES et CAdES – qui ont chacun leurs avantages et leurs inconvénients.

Il faut enfin distinguer entre la signature (électronique ou non) des pièces de l’offre, au stade de la soumission au marché, et la signature du contrat, au stade de la conclusion du marché.

Signature électronique : c’est quand ?

La signature du marché public ne devient « obligatoire » qu’à partir de 25.000€ H.T. Mais, même au-delà de ce seuil, la signature n’est jamais requise pour la validité même du contrat (principe du consensualisme) : il peut exister un contrat, simplement sera-t-il irrégulier à défaut d’être signé comme l’exige le code !

La signature des pièces de la candidature et de l’offre, elle, n’est jamais requise !

Il ne s’agit plus que d’une simple faculté (QE n° 21405, rép. min. publiée au JO Sénat du 16 juin 2016).

Et si la signature de l’un est parfois obligatoire, la signature électronique de l’un comme l’autre ne l’est jamais. Même si le contrat doit être signé, il est toujours loisible à l’acheteur de le faire électroniquement ou manuscritement.

Quel serait l’intérêt de l’imposer ?

Signature électronique : pourquoi ?

Il est d’usage de considérer que la règle du parallélisme des formes s’applique. Autrement dit, que le contrat signé électroniquement par une partie ne peut pas être signé manuscritement par l’autre.

Donc, si la signature électronique est dans les usages de l’acheteur, il peut être avantageux pour lui de l’imposer aux entreprises, pour ne pas se contraindre à re-matérialiser et envoyer dans le circuit sans fin des parapheurs toutes les pièces du marché…

Néanmoins, quel est le risque à l’imposer ? C’est la réponse que le Tribunal administratif de Caen apporte ici.

Signature électronique : pourquoi… pas ?

À défaut de signature électronique des pièces de l’offre telle qu’exigée dans le Règlement de consultation (RC), l’offre doit être écartée comme irrégulière, fût-elle signée manuscritement.

Le fondement de cette décision est le caractère obligatoire du RC, qui s’impose dans toutes ses mentions, à l’acheteur comme aux soumissionnaires.

Mais le risque de devoir écarter une offre intéressante n’est pas le seul. Avec la place toujours plus importante du principe de proportionnalité, le doute – et donc l’insécurité juridique – peut naître : est-il raisonnable d’écarter une entreprise qui a effectivement signé les pièces de l’offre mais pas électroniquement… ?

Enfin, si la signature électronique n’est jamais obligatoire, la règlementation[5] impose, le cas échéant, le recours à un niveau minimum de signature avancée.

Or, obtenir et surtout gérer cette certification a un coût pour l’entreprise, qui n’est jamais certaine d’obtenir le marché et peut donc être réticente à soumissionner. Le ministère de l’Économie n’estimait-il pas déjà en 2016 que « le dispositif qui était prévu par le code des marchés publics en matière de signature, et plus précisément de signature électronique, constituait pour un grand nombre d’opérateurs économiques, et notamment pour les PME, un frein à l’accès à la commande publique »[6] ? (voir notre article « La signature électronique : un frein pour l’accès des PME à la commande publique ?« ).

Et finalement, comme des esprits éclairés l’auront déjà relevé, n’est-ce pas le libre accès à la commande publique qui en pâtit ?

T.A. Caen, 29 juillet 2022, n° 2101168


[1] Pour « Electronic IDentification And Trust Services ».

[2] La signature avancée suppose une vérification d’identité forte (transmission de carte d’identité, par exemple), octroie au signataire un certificat numérique garantissant son lien unique et exclusif avec la signature, et garantie l’intangibilité de l’acte.

[3] La signature qualifiée suppose en plus que l’identité du signataire ait été vérifié en face à face par l’autorité de certification et que celui-ci se soit vu remettre une clé cryptographique, nécessaire aux opérations de signature.

[4] Pour « European Telecommunications Standards Institute », en français Institut européen des normes de télécommunications.

[5] Arrêté du 22 mars 2019 relatif à la signature électronique des contrats de la commande publique.

[6] Réponse ministérielle précitée.