L’acheteur doit-il rediriger un pli mal dirigé ?

L’acheteur doit-il rediriger un pli mal dirigé ?

Lorsqu’une entreprise étourdie dépose son dossier dans le mauvais tiroir numérique, notamment, lorsqu’elle dépose son pli, pour se porter candidate au lot n° X, sur le guichet du lot n° Y du même marché, quelles obligations pèsent sur l’acheteur relativement à ce pli mal dirigé ?

Doit-il l’écarter comme irrégulière ?

Doit-il l’admettre et la rediriger correctement ?

A-t-il un choix entre les deux sous réserve de l’avoir annoncé clairement dans le Règlement de consultation ?

Si l’on en croit le jugement du TA d’Amiens, c’est la seconde solution qui prime. En l’espèce, une entreprise avait déposé un dossier qui répondait régulièrement, en tous points, et dans les délais impartis, à une consultation n° 2022S13 (un lot d’un marché), mais sur le guichet de la consultation n° 2022S14 (un autre lot du même marché). L’acheteur était donc le même.

Le Tribunal considère que l’acheteur était dans l’obligation de prendre en compte sa candidature, puisque deux choses :

  • « ces pièces ne pouvaient être manifestement regardées comme présentées au titre d’une autre procédure »
  • « leur rétablissement au titre de la procédure de passation litigieuse ne nécessitait en l’espèce aucune analyse non plus qu’aucune contrainte particulière pour le pouvoir adjudicateur ».

La solution peut paraître sévère pour les acheteurs, mais elle semble pouvoir s’appuyer sur l’esprit du code des relations entre le public et l’administration. En effet l’article L.114-2 du CRPA, reprenant par là une jurisprudence du Conseil d’État, impose la transmission de toute demande adressée à une administration incompétente à l’administration compétente. Quoique soit ici concernée une seule et même « administration », il y a là un principe dont il convient de s’inspirer dans les relations interservices. De ce point de vue, tout agent devrait veiller à acheminer au bon endroit les plis mal dirigés par les soumissionnaires.

Mais au-delà, il semble dans l’intérêt économique de l’acheteur, d’une part, d’avoir un maximum d’offres à analyser afin de bénéficier du jeu de la concurrence, d’autre part, de ne pas laisser l’opérateur économique étourdi dans l’incompréhension, lequel pour sa part considèrera avoir respecté les délais pour soumissionner et sera amené à penser que sa proposition a été mise à l’écart pour d’autres motifs peu avouables. De là, le risque de contentieux ploutophage et de réduction du pool de partenaires potentiels sur ses futurs marchés. Qui voudrait cela ?

TA Amiens, 8 novembre 2022, n° 2203116


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