Une résiliation irrégulière peut-elle justifier l’exclusion future d’un candidat à la commande publique ? La question va se poser très sérieusement dès lors que le code de la commande publique autorise l’exclusion des candidats qui ont subi une sanction contractuelle ou judiciaire grave pour une faute contractuelle elle-même grave, mais sans préciser si cette sanction doit être bien-fondée et validée par un juge ou non !

En effet l’article L.2141-7 du code prévoit que « l’acheteur peut exclure (de sa consultation) les personnes qui au cours des trois années précédentes, ont dû verser des dommages et intérêts, ont été sanctionnés par une résiliation ou ont fait l’objet d’une sanction comparable du fait d’un manquement grave ou persistant à leurs obligations contractuelles lors de l’exécution d’un contrat de la commande publique antérieur ».

Dans ce cadre l’acheteur doit au préalable organiser une procédure contradictoire qui permet à l’entreprise de démontrer qu’elle a mis en œuvre les moyens nécessaires pour corriger ses précédents manquements (art. L.2141-11 du CCP).

On imagine sans peine l’acheteur ayant fait face une fois à un cocontractant gravement défaillant et ayant souhaité rompre la relation contractuelle, s’engouffrer dans cette voie.

On imagine aussi sans peine l’entreprise un peu pugnace tenter de saisir le juge du référé précontractuel pour paralyser cette décision d’exclusion. Or le juge des référés, juge de l’urgence, n’aura pas les moyens nécessaires pour une revue intégrale du fond de l’affaire.

C’est pourquoi son office est nécessairement adaptée :

  • Il vérifiera que la procédure contradictoire a correctement été mise en œuvre
  • Il vérifiera la matérialité des sanctions dont a fait l’objet l’entreprise par le passé
  • Il vérifiera aussi si ces sanctions sont suffisamment graves pour répondre à l’esprit de l’article L.2141-7 du CCP
  • Il vérifiera la matérialité des faits qui avaient fondé ces sanctions, mais se limitera à apprécier une erreur manifeste d’appréciation quant à l’appréciation de leur gravité
  • Il ne vérifiera pas, enfin, si la sanction contractuelle était bien-fondée ou non, « une telle question relevant de la compétence du juge du contrat » !

En d’autres termes : la sanction doit être grave et le juge des référés l’examinera ; les manquements ayant fondés la sanction doivent être graves et le juge des référés s’assurera de l’absence d’erreur évidente ; la sanction à l’origine peut très bien être irrégulière si l’entreprise ne l’a pas contestée dans les formes et délais impartis. Dura lex, sed lex comme disaient les romains !

En l’espèce, l’entreprise exclue avaient contesté son exclusion au motif que la faute ayant justifié la résiliation d’un précédent marché était partagée, qu’elle n’était pas seule responsable.

Mais à défaut d’avoir fait valoir cet argument devant le juge du contrat et obtenu un « allègement de peine », l’entreprise ne peut plus l’invoquer à ce stade.

TA Nice, ord. 4 nov. 2022, n° 2204878