Ceci n’est pas un marché public

Ceci n’est pas un marché public

Au vu des conséquences drastiques qu’elle emporte, notamment en termes d’obligations procédurales, la qualification de marché public n’est pas anodine. Une qualification de marché écartée par erreur implique l’annulabilité du contrat qui aura pu être attribué sans respecter la procédure adéquate.

La question est en perpétuel débat au contentieux. Qu’on se souvienne, par exemple, de la jurisprudence française et européenne opposées sur la qualification de marché de travaux au regard de la présence ou non d’une maîtrise d’ouvrage publique.

Une notion centrale qui a également suscité de nombreuses décisions et commentaires doctrinaux, est celle de l’intérêt économique de l’autorité contractante.

La Cour de justice s’appuie notamment sur cette notion pour dépasser les fausses apparences de contrat porteur d’une « offre publique », et retenir l’existence d’une « commande publique » au lieu et place. Typiquement, la question se pose pour les cessions dites avec charge(s).

Rappelons qu’une cession avec charge(s) se présente comme un contrat de vente immobilière, mais dans lequel la personne publique propriétaire stipule un certain nombres d’obligations annexes lui permettant de contrôler la destination du bien vendu (obligation de maintien de l’activité, obligation d’équipement, interdiction de revendre avant plusieurs années, etc…). En cas de non-respect de ces obligations, le terrain ferait retour à son propriétaire en vertu d’une clause résolutoire.

Dès lors, il est très facile pour le juge interrogé de mettre en question l’existence d’un intérêt économique de la personne publique venderesse.

Dans une espèce du 16 janvier 2023, le Tribunal administratif de Strasbourg nous donne une nouvelle illustration de ce que les « obligations annexes » peuvent aller très loin sans pour autant emporter la qualification de marché public. En effet, les personnes publiques ne se départissant jamais de leurs missions d’intérêt général, elles peuvent être amenées à imposer légitimement des sujétions inhabituelles dans les contrats des personnes privées, même lorsqu’elles agissent comme simple propriétaire et non comme acheteur en quête de réponse à un besoin.

En l’occurrence, n’ont pas été reconnues comme suffisantes :

  • la condition résolutoire de maintenir l’activité hôtelière pendant une durée de quinze ans ;
  • la condition résolutoire de déposer le permis de construire correspondant à la reconstruction de l’hôtel dans un délai de trois ans ;
  • et surtout, la condition résolutoire de satisfaire à un quota d’heure d’insertion pendant la réalisation des travaux à engager par l’acquéreur.

TA Strasbourg, 16 janvier 2023, n° 1908617