La méthode de notation du critère prix, la formule type employée, n’est pas nécessairement communiquée aux entreprises candidates (voir notre billet «  Sous-critère, es-tu là ? »). Mais cette absence de publicité obligatoire n’implique évidemment pas que le pouvoir adjudicateur peut en changer en cours de consultation !

En effet, s’il en allait autrement, le pouvoir adjudicateur aurait l’opportunité d’adapter sa formule de calcul afin d’avantager tel ou tel opérateur, après avoir pris connaissance du contenu des offres. Et comme bien souvent en droit, peu importe que l’acheteur ne se saisisse pas effectivement de cette opportunité : le simple fait qu’elle existe constitue un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Peu importe, également, qu’il ait eu l’intention de ne corriger qu’une petite erreur matérielle à ses yeux.

La cour administrative d’appel de Paris l’a récemment remis en perspective.

Cependant elle a également rappelé que même un manquement grave doit avoir lésé une entreprise évincée pour qu’elle puisse s’en prévaloir. En d’autres termes, le vice doit être à l’origine de son préjudice d’éviction.

En l’espèce, l’acheteur en cause avait publié la formule suivante ‘‘ Pondération (50) x (moyenne des offres) ^3 / (offre du candidat + moyenne des offres) ^3 ’’. Puis, il l’avait modifiée en cours de procédure pour rectifier une erreur dans la formulation mathématique. La formule effectivement mise en œuvre fut ‘‘ Pondération (50) x (moyenne des offres) ^3 / (offre du candidat ^3 + moyenne des offres ^3) ’’. (Les éléments du diviseur ne sont plus additionnés puis élevés à la puissance 3, mais élevés à la puissance 3 et additionnés seulement ensuite.)

L’entreprise évincée a évidemment invoqué ce manquement, mais le juge l’a quand même renvoyée dans les cordes car il s’avère qu’elle aurait tout de même été évincée en obtenant d’encore moins bons résultats si la formule initiale avait été mise en œuvre.

Chose un peu frustrante : l’entreprise, qui ne peut donc pas contester la mise en œuvre de la seconde formule parce qu’elle obtient des résultats plus favorables, ne peut pas non plus contester l’illégalité de la première formule parce qu’elle n’a pas été mise en œuvre

Reste que l’illégalité même de la seconde formule pourrait être discutée. En effet, l’entreprise évincée en l’espèce contestait notamment le faire que la formule ne conduisait pas à attribuer le nombre maximum de points à l’offre la moins chère, mais seulement la meilleure note[1].

Malgré ce, le juge balaie l’argument en effectuant une simulation de classement où la note maximale sur le critère prix aurait été obtenue. Concluant que « l’utilisation d’une autre formule attribuant la note maximale au moins disant n’aurait eu aucune incidence sur le classement des offres dès lors que l’écart de la note technique reste en l’espèce décisif quelle que soit la formule de notation appliquée sur le critère du prix ».

CAA Paris, 17 janvier 2023, n° 21PA00875


[1] L’idée étant donc que l’entreprise la moins chère pourrait n’obtenir que 18/20 au lieu de 20/20, tout en ayant la meilleure note par rapport à ses concurrents. De la sorte, elle « perd » néanmoins deux points.