Dans un arrêt du 7 février 2023, la cour administrative d’appel de Douai a eu à examiner successivement plusieurs problématiques juridiques autour de la sous-traitance : libellé des factures et formalisme des demandes, périmètre du droit au paiement direct, obligations déclaratives de l’entrepreneur principal et responsabilités, du maître d’ouvrage à l’égard du sous-traitant et réciproquement. Ouf ! Suivez le guide…
Le formalisme des demandes de paiement
La demande de paiement n’est pas une facture, aussi, si la facture du sous-traitant est normalement libellée au nom de l’entrepreneur principal, qui est son seul cocontractant, la demande de paiement (direct) doit être libellée au nom du pouvoir adjudicateur.
En vertu des textes, cette demande de paiement doit être adressée – accompagnée des factures… ! – à l’entrepreneur principal, qui dispose d’un délai de 15 jours pour notifier son acceptation ou son refus au sous-traitant ainsi qu’au pouvoir adjudicateur. En vertu des mêmes textes, cette demande de paiement doit être adressée au pouvoir adjudicateur.
Le pouvoir adjudicateur peut-il procéder au paiement dès qu’il est saisi de la demande ? La cour administrative d’appel juge au contraire que ces dispositions combinées impliquent une procédure en trois temps :
- le sous-traitant adresse sa demande à l’entrepreneur ;
- l’entrepreneur donne son accord, exprime son refus, ou garde le silence pendant quinze jours à l’issue duquel délai il est réputée avoir accepté cette demande ;
- le pouvoir adjudicateur procède au paiement après que l’entrepreneur ait accepté la demande, expressément (dans le délai de 15 jours) ou tacitement (à l’issue des 15 jours).
« Cette procédure a pour objet de permettre au titulaire du marché d’exercer un contrôle sur les pièces transmises par le sous-traitant et de s’opposer, le cas échéant, au paiement direct. Sa méconnaissance par le sous-traitant fait ainsi obstacle à ce qu’il puisse se prévaloir, auprès du maître d’ouvrage, d’un droit à ce paiement ».
Le droit au paiement direct inclut les travaux supplémentaires… en principe !
Conformément à la jurisprudence du Conseil d’État (CE, 3 mars 2010, n° 304604), le sous-traitant a droit au paiement direct des travaux supplémentaires dans les mêmes conditions que pour les travaux dont la sous-traitance a été déclarée dans le marché ou la DC4.
Encore faut-il pouvoir en justifier (voir notre billet), et encore faut-il qu’ils aient été « indispensables à la réalisation de l’ouvrage » dans les règles de l’art. En l’espèce, la cour administrative d’appel s’appuie sur les nombreuses réserves opposées aux constructeurs pour écarter le droit au paiement : ces nombreuses réserves permettent de douter du fait que ces travaux soient indissociables des prestations objets de la sous-traitance ou indispensables à l’achèvement de l’ouvrage dans les règles de l’art…
Le maître d’ouvrage doit imposer la modification de la DC4
Cherchant un autre fondement pour obtenir le paiement de ses travaux, le sous-traitant en l’espèce a tenté d’engager la responsabilité quasi-délictuelle (autrement dit, pour faute hors contrat) du maître d’ouvrage (MO). En effet, l’intervention d’un sous-traitant doit être déclarée par l’entreprise et le MO, de son côté, s’il a connaissance d’un sous-traitant non déclaré, doit mettre en demeure l’entreprise de procéder à cette déclaration. Il en va de même, admet la cour, lorsque le périmètre de l’intervention du sous-traitant évolue : en principe, l’entreprise doit effectuer une modification de sa DC4 et le MO doit y veiller ! … s’il a connaissance de cette évolution, bien entendu.
L’argument ne peut malheureusement pas prospérer en l’espèce, car la preuve de cette connaissance du MO n’est pas rapportée.
Le sous-traitant peut (exceptionnellement) être responsable comme un entrepreneur
Le MO et le sous-traitant n’étant lié par aucun contrat, a priori le premier ne devrait pas pouvoir rechercher la responsabilité du second pour les malfaçons affectant l’ouvrage.
Et pourtant… Dans le cas où la responsabilité de ses cocontractants (maître d’œuvre et entreprises de travaux) ne pourrait être « utilement recherchée » (par exemple, s’ils sont insolvables ou déjà disparus sous l’effet d’une liquidation judiciaire), le MO peut actionner le sous-traitant, non pas sur le fondement du contrat qui n’existe pas entre eux, mais sur le fondement des « règles de l’art » ou encore du fait de la méconnaissance de la règlementation en vigueur. Il ne saurait en revanche lui reprocher des fautes dans l’exécution de son contrat de sous-traitance, auquel il est étranger.
De plus, alors même que cette responsabilité n’est pas contractuelle, donc, et ne devrait donc pas être impactée d’une quelconque façon par la réception, le juge nous rappelle bien qu’hormis sur le terrain décennal, la responsabilité du sous-traitant ne pourra plus être recherchée pour les désordres apparus après la réception…