Notre affaire pourrait être résumée par la maxime “Il n’y a pas d’urgence, il n’y a que des gens pressés”.

Notre acheteur a été destinataire, le 15 mars 2024, d’un diagnostic de solidité du bâtiment de l’école, dont il ressort qu’au vu de son état dégradé, le bâtiment présente un risque significatif d’effondrement en cas de séisme. Le rapport recommande ainsi la fermeture de l’école, dans un délai inférieur à 6 mois. Un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables est alors conclu au titre de l’urgence impérieuse pour l’installation de bâtiments modulaires afin d’accueillir les élèves pendant les travaux de rénovation de l’école.[1]

L’urgence impérieuse…

L’article R.2122-1 du code de la commande publique laisse la possibilité à l’acheteur de passer un tel marché lorsqu’une urgence impérieuse résultant de circonstances extérieures et qu’il ne pouvait pas prévoir ne permet pas de respecter les délais minimaux exigés par les procédures formalisées, notamment les travaux mentionnés aux articles L. 511-2 et L. 511-3 du code de la construction et de l’habitation.

Cela est toutefois d’interprétation stricte. La jurisprudence et la Commission européenne identifient trois conditions cumulatives à l’urgence impérieuse : l’existence d’un événement imprévisible, d’une urgence incompatible avec les délais exigés par d’autres procédures et d’un lien de causalité entre l’événement imprévisible et l’urgence qui en résulte.

…Est-elle caractérisée ?

Or en l’espèce, l’acheteur a attendu le 20 juin 2024, soit plus de 3 mois après le diagnostic, pour conclure le marché litigieux. Eu égard à ce délai, il n’est pas établi que la conclusion de ce marché relevait d’une situation d’urgence impérieuse, qui aurait empêché de respecter les obligations de publicité et de mise en concurrence, alors que la procédure de passation du marché aurait pu être initiée dès le mois de mars 2024.

Le Juge Administratif est toutefois indulgent au vu de la raison impérieuse d’intérêt général. L’annulation porterait atteinte à la sécurité et à la continuité du service public, Il n’annule donc pas le contrat mais condamne la commune à une amende de 30 000 euros.

Tribunal administratif de Martinique, 3 août 2024, 2400501


[1] Voir notre infographie sur l’urgence