Renvoi dans les cordes pour le mémoire technique avec renvois…

Renvoi dans les cordes pour le mémoire technique avec renvois…

Une décision récente illustre le risque que le candidat prend à procéder par renvois au sein de son mémoire technique. Et plus précisément par renvoi à des liens de téléchargement !

Dans le cadre de la passation d’un marché de numérisation de documents, les candidats étaient invités à remettre des échantillons.
(Numériques, les échantillons… donc dématérialisés :D).

Confronté au caractère volumineux de son offre (la plateforme n’acceptait que des pièces de taille inférieure à 1Go), l’un des candidats avaient opté pour le stockage des échantillons sur un serveur et pour l’intégration de liens de téléchargement dans son mémoire technique.

Jusque-là, pas vraiment de problème et notamment pas de contradiction avec l’obligation de dématérialisation.
Mais l’acheteur a toutefois rejeté cette offre comme irrégulière.

L’entreprise saisit le Tribunal administratif de Rennes (pas celui au nez rouge, même si la période est de circonstance).
Elle se fonde sur plusieurs arguments a priori pas déraisonnables :

  • les contraintes techniques de la plateforme l’ont contrainte à procéder ainsi
  • de façon corollaire, s’il est interdit de contourner ces contraintes alors cela aboutit à favoriser les offres de moindre qualité, et ce, en discriminant les entreprises plus qualitatives aux dépôts plus volumineux ;
  • le règlement de la consultation n’interdit pas expressément cette modalité de transfert, tandis que le RC du précédent marché l’autorisait même!

Néanmoins, le juge rennais sort de sa hotte deux contre-arguments d’autorité.

Autorité du code, d’une part : le code impose que l’offre soit transmise en une seule fois (Art. R2151-6 du CCP), ce dont il déduit que l’ensemble de ses composantes ne peut pas être scindée à plusieurs endroits. En l’occurrence cette transmission globale était possible puisque les limites techniques de la plate-forme (taille <1 Go) ne concernaient que les pièces isolément et non le dépôt global. L’entreprise aurait donc du découper son mémoire en plusieurs parties, « chacun pouvant au demeurant faire l’objet d’une compression » (une fausse bonne idée?, voir notre article sur ce point).

Autorité du RC, d’autre part : le règlement de la consultation, même s’il n’interdisait pas expressément ce mode de transfert, l’interdisait implicitement mais clairement. Il requérait en effet que « le mémoire technique joint à l’offre présentée pour chaque lot devait comprendre, notamment, la numérisation des échantillons-tests ».

Selon le Tribunal donc, l’intégration de liens dans le mémoire ne permet pas de considérer, ni que l’offre est intégralement transmise, ni que le mémoire technique comprend à proprement parler les échantillons demandés.

TA Rennes, ord. 2 décembre 2024, n°2406252