L’intervention de la CAO rend-elle la procédure adaptée irrégulière ?

L’intervention de la CAO rend-elle la procédure adaptée irrégulière ?

L’intervention de la CAO rend-elle la procédure adaptée irrégulière ? Question tortueuse pour une matière qui ne l’est pas moins. Le droit des marchés publics est avant tout un droit public, commandé par la sacro-sainte règle de la compétence !

L’incompétence est un vice à ce point puissant que le juge s’autorise même à le relever d’office. Pour la petite histoire, cette règle découle de l’organisation constitutionnelle de l’État – rien que ça ? – et découle du fait que puisque le pouvoir constituant, le peuple, vous + moi + eux + lui + elle, a délégué son pouvoir d’une certaine façon à certaines personnes, il n’appartient pas à ces dernières de se redistribuer les cartes comme bon leur semble.

Petite histoire mise à part, il faut bien comprendre que l’article L.1414-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) ne donne qu’une compétence d’attribution à la CAO. En disposant qu’elle intervient pour « le choix du titulaire » des seuls « marchés publics dont la valeur estimée hors taxe est égale ou supérieure aux seuils européens », cet article implique aussi qu’une autre autorité est compétente dans les autres cas que ceux qu’il évoque.

Il s’agit bien sûr du maire, président ou directeur de l’établissement (voir notre infographie, voir notre F.A.Q.).

Pour une procédure adaptée, donc, c’est le maire de la commune qui doit choisir le titulaire. Cela étant, rien ne l’empêche de se faire accompagner, éclairer, par l’avis préalable d’une commission. Souvent cette commission est autrement composée que la CAO et prend le nom de « commission MAPA ». Mais la Commission d’Appel d’Offres elle-même peut très bien intervenir dans ce cadre. Il suffit que son avis ne soit que consultatif et conserve au maire son pouvoir de décision.

Dans un arrêt du 2 décembre 2022, la CAA de Nantes a eu à connaître du cas où le règlement d’une consultation (RC) en procédure adaptée prévoyait que « la commission d’appel d’offre retiendra l’offre économiquement la plus avantageuse ».

Formule malheureuse, s’il en est, puisqu’elle suggère que la CAO serait ici détentrice du pouvoir de décision. Argument tout trouvé pour les concurrents évincés, donc !

Les acheteurs seront toutefois heureux du pragmatisme du juge sur ce point, puisqu’il va au-delà de la seule formulation du RC, s’attachant à voir qui, dans les faits, a pris la décision d’attribution :

« il résulte de l’instruction que la décision d’attribuer le marché à la société (X…) a été prise par le maire le 20 août 2019, habilité pour ce faire en vertu d’une délibération du conseil municipal du 22 avril 2014 régulièrement publiée. Aucune disposition législative ou règlementaire ne l’empêchait de se fonder sur le rapport d’analyse des offres de cette commission, proposé pour avis, contrairement à ce que soutient la (société évincée). Par suite, les moyens tirés de ce que les pouvoirs de négociation des offres, d’évaluation des prestations et de choix de l’attributaire ont été abandonnés par le maire au profit de la commission de la commune et de l’incompétence dont serait entachée la décision d’attribution du marché doivent être écartés ».

Nota : un autre point de pragmatisme sera sûrement apprécié des acheteurs. En l’espèce, au moyen tiré d’une violation du principe d’impartialité, la société évincée visait le technicien en charge de l’analyse et rédacteur du rapport d’analyse des offres, avançant qu’elle lui avait refusé un emploi en janvier 2017 et qu’il n’était pas, de ce fait, impartial dans son analyse. Le juge balai l’argument en estimant que la théorie des apparences ne suffit pas, que des éléments concrets de fait ou au moins de doute raisonnable sur la partialité de l’intéressé auraient dû être rapportés.

CAA Nantes, 2 décembre 2022, n° 22NT00665