Un cotraitant peut-il être remplacé dans le cadre d’un accord-cadre à marchés subséquents ? Au regard d’une affaire intéressant les marchés publics de défense passés sous l’empire de l’ordonnance de 2015, le Tribunal administratif de Versailles a proposé sa lecture dont il est possible de s’emparer à raison de l’existence de dispositions parfaitement analogues dans le code de la commande publique et applicables aux marchés publics classiques.
Les faits d’espèce posaient le problème sous l’angle suivant :
- Un groupement avait été retenu co-attributaire d’un accord-cadre à marchés subséquents.
- Or, en cours d’exécution, à l’occasion de la passation d’un marché subséquent, plusieurs des membres du groupement s’étaient retrouvé dans l’incapacité de fournir la preuve de leurs déclarations fiscales et sociales conformes.
- Le groupement avait alors proposé le remplacement des deux sociétés défaillantes, proposition rejetée par le pouvoir adjudicateur.
- Ce dernier a dès lors écarté l’offre du groupement et attribué le marché subséquent à la société co-attributaire concurrente.
Le TA de Versailles a répondu au problème en deux temps.
Dans un premier temps, il raisonne par analogie avec l’attribution d’un marché ordinaire ou d’un accord-cadre.
Il est vrai que dans ce cadre, l’opérateur économique doit fournir une candidature complète et régulière et, s’il se présente en groupement, chaque membre doit lui-même fournir une telle candidature. Il est vrai également qu’aujourd’hui l’article R2342-14 du code de la commande publique dispose que « si le groupement apporte la preuve qu’un de ses membres se trouve dans l’impossibilité d’accomplir sa tâche pour des raisons qui ne sont pas de son fait », alors il « peut demander à l’acheteur l’autorisation de continuer à participer à la procédure de passation en proposant (…) un ou plusieurs nouveaux membres ».
En d’autres termes, se dégage de ces dispositions une sorte de « droit de proposition (de remplaçants) » de l’attributaire d’un accord-cadre à marchés subséquents afin d’éviter sa mise à l’écart.
Cependant, et dans un second temps, le juge administratif ajoute que ces dispositions doivent se combiner avec celles qui gouvernent les modifications en cours d’exécution des contrats de commande publique. Eh oui ! Car si le marché subséquent en est au stade de sa mise au monde, l’accord-cadre, lui, est déjà bel et bien né, notifié, et exécuté partiellement.
Il est constant que la modification de la composition du groupement implique de regarder les deux groupements – avant et après la modification – comme deux opérateurs économiques différents. Et que la cession du contrat de l’un à l’autre n’est pas de droit, bien au contraire : nous l’avons vu récemment concernant le cas du cotraitant « démissionnaire », souvenez-vous !
C’est aujourd’hui l’article R2194-6 du CCP qui définit dans quelle conditions le titulaire peut changer en cours d’exécution du contrat. Deux hypothèses, en l’occurrence :
- en application d’une clause de réexamen ;
- du fait de la cession du contrat dans le cadre d’une opération de restructuration d’une société (par ex., le titulaire est absorbé par une autre société qui devient de fait le nouveau titulaire du contrat, ou alors le titulaire fusionne avec une autre société pour donner naissance à une troisième entité qui devient le nouveau titulaire du contrat).
Comme les faits d’espèce ne relèvent évidemment pas de la seconde hypothèse, il se déduit de la solution du Tribunal que :
- le groupement ici sera écarté de la passation du marché subséquent, car sa proposition de nouveaux membres ne pourra pas être acceptée par l’acheteur ;
- sauf si une clause de réexamen stipulée au CCAP prévoit une telle possibilité, auquel cas l’acheteur ne pourra motiver son rejet de la proposition de remplacement que par des considérations tirées de l’insuffisante capacité à exécuter le marché des aspirants cotraitants remplaçants.