L’obligation de reprise de personnel

L’obligation de reprise de personnel

Reprendre ou ne pas reprendre le personnel, telle est la question. Ce mécanisme de reprise du personnel permet la protection des salariés en cas de situation affectant l’entreprise, telle que la perte d’un marché public.

En ce sens les candidats évincés dans notre cas d’espèce[1] contestent la régularité de la procédure. Elle serait entachée d’un vice de publicité et de mise en concurrence du fait de ne pas avoir informé les candidats sur la reprise du personnel[2].

Au nom de la sacro-sainte égalité de traitement, l’acheteur doit selon eux assurer la communication à tous les candidats de la masse salariale des personnels à reprendre ainsi que du coût correspondant. Les juges vont rappeler les conditions de mise en œuvre et vérifier si elles sont applicables.

Le principe de reprise du personnel en cas de perte de marché

L’article L1224-1 du code du travail impose la continuité des contrats de travail et la reprise du personnel en cas de modification dans la situation juridique de l’employeur (voir notre billet).

Mais peut-on considérer la perte du marché comme une modification dans la situation juridique de l’employeur ?

La cour de cassation avait déjà précisé dans un revirement de jurisprudence du 15 novembre 1985, que la seule perte d’un marché n’engendrait pas cette modification.

Concrètement, une entreprise qui se voit attribuer un marché retiré à une autre n’est pas tenue de poursuivre les contrats de travail des salariés employés par son prédécesseur.

Il y a néanmoins deux exceptions à ce principe, dans les cas suivants :

  • Si la perte de marché entraîne le transfert d’une entité économique autonome au sens de l’article L. 1224-1 du code du travail, le contrat de travail du salarié sera automatiquement transféré au repreneur.
  • Si une convention ou un accord collectif de branche prévoit que la perte de marché entraîne le transfert des contrats de travail des salariés.

La situation va être analysée au regard de ces deux exceptions.

L’absence d’entité économique autonome

Les juges rappellent que l’article L. 1224-1 du code du travail s’applique, non de façon automatique en cas de dévolution d’un précédent marché à un nouvel opérateur, mais seulement si ce changement d’opérateur s’accompagne d’un transfert d’une entité économique autonome.

Or le candidat évincé ne produit aucune pièce de nature à établir que des personnels seraient intégralement affectés à l’exécution du marché. Ce transfert d’entité économique autonome n’est donc pas démontré.

Par ailleurs il invoque les stipulations de l’article 15 de la convention collective applicable, qui imposeraient une obligation renforcée d’une telle reprise.

L’absence d’obligation de reprise dans la convention collective

Lorsque la convention collective prévoit la reprise du personnel, cela contraint l’acheteur (En ce sens réponse ministérielle JO Sénat du 27/04/2006 p.1218).

Est-ce le cas en l’espèce ?

L’article 15 de la convention collective prévoit que : «  Dans le cas où intervient une modification de la situation juridique de l’employeur, les contrats de travail du personnel appartenant à l’activité transférée sont pris en charge par le nouvel employeur avec les garanties et obligations de droit prévues par les articles L. 1224-1 et L. 1224-2 du code du travail. »

Cette convention renvoie simplement aux articles du code du travail évoqués précédemment et n’apporte aucun élément supplémentaire qui permettrait d’aller dans le sens du candidat évincé.

Il n’y avait donc pas d’obligation de reprise du personnel et en conséquence aucun vice de publicité et mise en concurrence.

Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise, 14 décembre 2022, 2216017


[1] Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise, 14 décembre 2022, 2216017

[2] Voir en ce sens CE 19 janvier 2011, Société TEP, n°340773