Dans une circulaire adoptée fin mars mais récemment rendue publique, le Premier Ministre a adressé un certain nombre de préconisations aux directeurs de cabinet des membres du gouvernement, secrétaires généraux et préfets, afin de prendre en compte l’évolution des prix des denrées alimentaires dans les marchés de restauration.
Ces préconisations vont dans deux directions :
Aménager les conditions d’exécution des contrats en cours
Les points évoqués
À ce titre, le Premier Ministre rappelle deux points déjà évoqués dans la circulaire plus générale du 16 juillet 2021.
- accepter l’aménagement des délais d’exécution, lorsque le titulaire est dans l’impossibilité de respecter les délais initiaux du fait de la situation économique.
- renoncer aux sanctions contractuelles, là encore bien sûr lorsque le manquement contractuel est directement lié à la flambée des prix ou à la pénurie des matières premières.
Ajouté à cela :
- il invite plus que jamais les acheteurs à résoudre les demandes de revalorisation des prix du marché, non par un avenant – l’intangibilité du prix n’étant pas sujette à dérogation – mais par l’octroi d’une indemnité d’imprévision ;
- ainsi qu’à respecter les délais de paiement.
Focus sur l’imprévision
L’indemnité d’imprévision obéit cependant à des conditions et se formalise plus rigoureusement par la conclusion d’un accord transactionnel.
Sur ces derniers points, vous pourrez utilement vous reporter à :
- Notre article sur la circulaire du 30 mars 2022
- Notre infographie relative à l’Imprévision dans les marchés publics
- Notre article relatif à l’absorption par le marché public de la situation de crise économique
La circulaire rappelle en particulier que le prix des denrées alimentaires est « par nature soumis à des fluctuations cycliques », que par conséquent il ne suffira pas de démontrer une hausse importante des prix mais au-delà une hausse imprévisible par son ampleur.
La circulaire rappelle également que la situation d’imprévision ne peut être que temporaire. Ce qu’il faut en conclure ? Si cette situation venait à revêtir un caractère pérenne, on parlerait alors de « force majeure administrative » qui permettra à l’acheteur de résilier le marché public.
Adapter les futurs marchés publics de fourniture de denrées alimentaires et de restauration collective à l’évolution du contexte économique
À ce titre, le Premier Ministre donne quatre directives qui accroissent la responsabilité des deux grands métiers de la commande publique.
Rédacteurs : vigilance dans la rédaction des clauses !
L’introduction de clauses de révision de prix adaptées et de clauses de réexamen est préconisée, tandis que les clauses de butoir[1] et de sauvegarde[2] sont, à l’inverse, proscrites.
Concernant la révision des prix, la circulaire invite à soigner leur rédaction sur deux aspects :
- Une périodicité adaptée de la révision
- Un recours déconseillé aux indices INSEE : l’acheteur est invité plutôt à privilégier les références sectorielles applicables aux produits concernés, la prise en compte des cotations publiées par le Réseau des Nouvelles du Marché (RNM) étant chaudement recommandée.
Acheteurs : vigilance dans la méthodologie de l’achat !
Enfin, la circulaire invite à mobiliser les outils tels que les guides d’achat élaborés dans le cadre du Conseil National de la Restauration Collective (CNRC).
Outils accessibles gratuitement sur la plateforme gouvernement « macantine ».
Dans cette perspective, le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire a annoncé sur son site que : « Pour travailler sur la mise en œuvre opérationnelle de cette circulaire, un nouveau groupe de travail se met en place dans le cadre du Conseil national de la restauration collective (CNRC) et il permettra la concertation de l’ensemble des acteurs de la chaîne alimentaire et des acheteurs de la restauration collective ».
L’objectif affiché est de poursuivre un « approvisionnement durable et de qualité », notamment pour atteindre les objectifs fixés par la loi EGALIM, dont la mise en œuvre risque d’être freinée par la situation économique ainsi que le rappelle le préambule de la circulaire…
[1] La clause de butoir fixe un seuil maximal d’augmentation périodique : ce seuil joue comme un plafond, ainsi l’augmentation des prix « bute » sur ce seuil.
[2] La clause de sauvegarde fixe aussi un seuil maximal d’augmentation périodique : si ce seuil est dépassé, l’acheteur acquiert la faculté de résilier le marché afin de « sauvegarder » ses intérêts.