Dans le cadre du code de la commande publique, la négociation n’est ni un principe ni une liberté.

Ce n’est pas un principe puisqu’elle n’est pas autorisée en appel d’offres et n’est ouverte en procédure adaptée que si le pouvoir adjudicateur l’a prévue dans son Règlement de consultation (sur les procédures formalisées négociées, voir notre billet).

Ce n’est pas non plus une liberté, en ce sens que la négociation n’est pas libre mais doit respecter les principes fondamentaux de la commande publique, au nombre desquels l’égalité stricte de traitement entre les candidats.

Et cette stricte égalité impacte tant la forme que le fond, ainsi que l’illustre un récent arrêt d’appel du juge toulousain, ce 8 novembre 2022.

Sur la forme…

Il est rappelé que l’égalité commence par la fixation d’une date de remise des offres négociées identique pour chaque candidat. Où sont les formes, nous direz-vous (peut-être sur un air pop de 1977) ?

C’est dans la suite logique que se situe l’obligation discrète : « Pour apprécier le caractère suffisant de ce délai, il incombe à l’acheteur, sous le contrôle du juge, de se placer au jour de l’envoi des invitations à participer à la phase de négociation dès lors que celles-ci ont été adressées dans les mêmes formes à l’ensemble des soumissionnaires concurrents ».

Ainsi, le pouvoir adjudicateur a indirectement l’obligation de respecter scrupuleusement une identité de formes pour adresser l’invitation à négocier, sous peine de ne jamais voir démarrer, valablement, son délai de remise des offres.

En l’espèce, toutefois, il a été jugé qu’un complément d’affranchissement injustement demandé par les services postaux ne permettaient pas de regarder les invitations comme communiquées selon des formes différentes. Seul un défaut d’affranchissement à l’origine aurait pu amener le juge à prendre en considération cette demande de complément et le retard de délivrance qui en est résulté.

Sur le fond…

Le juge toulousain nous rappelle également – pour mieux les écarter en l’espèce – que des règles de fond assurant le respect de l’égalité de traitement encadrent l’action et le pouvoir de décision de l’acheteur. En l’occurrence, son propre règlement de consultation lui est opposable depuis les modalités et la temporalité annoncées des négociations jusqu’au choix des candidats admis et aux critères mis en œuvres.

Mais l’entreprise candidat allait ici tomber sur un os, et non des moindres, car :

« il résulte également de l’instruction que dans le cadre de la procédure de passation du contrat dont s’agit, l’intimée a remis une offre initiale classée en seconde position derrière celle présentée par la société (…) attributaire du marché. Dans ces conditions, dès lors qu’il demeure constant que la société (requérante) n’a remis aucune offre négociée dans le délai imparti en se privant ainsi de la faculté d’apporter les correctifs nécessaires au reclassement avantageux de son offre, les moyens soulevés (…) notamment tirés de la méconnaissance de l’article R. 2181-1 du code de la commande publique et des stipulations de l’article B6 du règlement de la consultation relatives à la délimitation du périmètre de la négociation, doivent être écartés comme inopérants ».

Rappelons que l’inopérance est une sanction violente puisqu’elle revient à dire qu’un moyen est tout bonnement « hors sujet », et n’aurait donc jamais aucune chance de prospérer quelles que soient les circonstances de l’affaire.

En caricaturant (mais à peine) : inutile de critiquer si vous n’avez pas déposé une nouvelle offre…

CAA Toulouse, 8 novembre 2022, n° 21TL23426