O.A.Bien, oh pas bien !

O.A.Bien, oh pas bien !

Dans un arrêt récent, la cour administrative d’appel de Marseille a livré et déterré plusieurs clefs précieuses dans l’analyse de l’offre anormalement basse. La fameuse !

En la matière on sait que le code impose à l’acheteur d’éliminer, obligatoirement, les offres anormalement basses (Art. 2152-6 du CCP).

Mais dans le même temps, le code interdit aussi à l’acheteur de rejeter une offre comme anormalement sans avoir au préalable mis en œuvre une procédure contradictoire et apprécié le caractère suffisant de ces justifications, autrement dit il doit faire attention à ne pas rejeter n’importe quelle offre comme anormalement basse et ne peut notamment pas se fonder sur une vérité mathématique… Ah !

La détection d’OAB peut être appuyée par les mathématiques

Il est admis que l’acheteur peut s’appuyer, dans sa mission de détection des OAB (mais non pour leur appréciation !), sur des paramètres mathématiques.

Trois en particulier ont été retenus

  • L’écart par rapport à la moyenne des offres
  • L’écart par rapport à la seconde offre la moins chère
  • L’écart par rapport à l’estimatif acheteur / maîtrise d’œuvre

Mais un seul peut suffire pour fonder le soupçon !

L’espèce illustre la façon toute mesurée avec laquelle l’acheteur peut jouer de ces paramètres. Un écart de 33,16% par rapport à la moyenne implique que « c’est à juste titre que le pouvoir adjudicateur a estimé que l’offre de la société semblait anormalement basse », et donc mis en œuvre la procédure contradictoire.

Pour autant, un écart identifié de 13,44% par rapport au prix moyen de l’offre attributaire « n’est pas de nature à faire paraître l’offre (…) comme anormalement basse ». Le juge en déduit que l’acheteur n’était donc pas tenu de demander des justifications, et que dans ces conditions le principe d’égalité n’est « en tout état de cause » pas invocable. Cette dernière incise est assez précieuse puisqu’elle tend à dire – sans le confirmer – que le principe d’égalité n’aurait pas été invocable non plus même si l’écart était similaire… Vivement un éclairage !

Dans d’autres affaires, ces paramètres sont au contraire venu au secours de la justification du caractère « normalement » bas de l’offre et donc de sa conformité (voir notre billet).

L’OAB n’est pas une essence mathématique

Une formule mathématique est donc acceptable – sans être suffisante – pour détecter les offres suspectées d’être des O.A.B., mais elle ne saurait fonder une décision de rejet sans un examen approfondi.

C’est d’ailleurs ce que rappelle notre arrêt implicitement, lorsqu’il énonce que « le caractère anormalement bas d’un prix (…) ne peut s’apprécier par seule comparaison avec les prix des autres offres, (mais) suppose de rechercher, au vu des précisions et justifications apportées par le candidat, si le montant global de l’offre était en lui-même sous-évalué et, ainsi, susceptible de compromettre la bonne exécution du marché ».

En effet, on ne le rappellera jamais assez : un prix bas n’est pas forcément anormalement bas (voir notre article), et un prix haut n’est pas forcément à l’abri de la qualification d’OAB.

Puisque ce qui prime dans la qualification d’O.A.B. est le fait que le montage financier de l’offre n’est pas viable et compromet ainsi l’exécution (Art.2152-5 du CCP). Dans l’absolu, une offre chère mais pas assez chère par rapport à la qualité ou aux quantités promises est donc une O.A.B.

L’OAB s’apprécie globalement

« Dans le cas des marchés à prix unitaires, il s’agit donc de vérifier si, compte tenu des autres prix unitaires et des volumes prévisionnels, le ou les prix sous-évalués étaient susceptibles de compromettre la bonne exécution du marché ».

Il s’agit là d’un écho à la jurisprudence du Conseil d’État qui a posé que « le prix anormalement bas d’une offre s’apprécie (…) au regard de son prix global », et qu’il en va ainsi « y compris lorsque (la) prestation fait l’objet d’un mode de rémunération différent ou d’une sous-pondération spécifique au sein du critère prix » (CE, 13 mars 2019, Société Sepur, n° 425191).

La demande de justification n’a pas à être spécifique

Quant à ouvrir une procédure contradictoire, l’acheteur est tenu de le faire mais sans pour autant « être tenu de poser des questions spécifiques ».

En d’autres termes, est tout à fait régulière l’invitation qui se contente de demander au candidat d’apporter toute justification ou précision utile. Les entreprises évincées ne pourront pas se plaindre que l’acheteur aura été trop imprécis et n’aura pas procédé à une analyse réelle et sérieuse de leur offre.

CAA Marseille, 14 novembre 2022, n° 20MA00272


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