Dans deux décisions récentes, respectivement du Tribunal administratif d’Amiens et de la Cour administrative d’appel de Marseille, les pénalités de retard ont une fois de plus démontré qu’elles avaient encore des choses à dire ! En l’occurrence, la question qui a occupé les juges étaient celle de déterminer leur point de départ au regard de l’existence d’une contradiction entre les pièces contractuelles (TA Amiens), et d’une réception assortie de réserves (CAA Marseille)

Calcul des pénalités et contradiction entre les pièces du marché

Dans le 1er cas, la problématique tenait à ce que le planning proposé par le titulaire et validé d’ailleurs par le maître d’œuvre, constituait un document contractuel, et contredisait par ailleurs la date butoir de réception des travaux calculée en application du CCAP.

Le marché prévoyait un démarrage par ordre de service (27 avril 2018) et une durée de marché de 8 mois à compter de cette date (fin prévisionnelle le 27 décembre 2008).

Le juge note que la stipulation qui intègre le planning du titulaire au marché ne saurait avoir pour effet, à elle seule, d’impliquer de décaler la date de réception des travaux. Celle-ci ne pouvait intervenir que par voie d’avenant.

Dès lors, une réception postérieure à l’échéance du 27 décembre 2008 était susceptible d’entraîner l’application des pénalités de retard, à compter de cette date !

Tribunal administratif d’Amiens, 3ème Chambre, 10 novembre 2023, 2102722

Calcul des pénalités et réserve à la réception

L’affaire précédente illustre donc le cas pratique de la date de réception postérieure à l’expiration du délai d’exécution. Mais qu’en est-il lorsque la réception est intervenue dans le délai de réception, assortie de réserves… et que les réserves sont levées postérieurement à l’expiration du délai ?

A priori, c’est une exécution satisfaisante qui doit intervenir dans le délai contractuel, à peine de pénalités.

La réception sous ou avec réserves pouvant s’apparenter à un ajournement, et caractérisant de toute façon une exécution NON satisfaisante du marché, des pénalités de retard pourraient trouver à s’appliquer dès lors que la levée des réserves est postérieure au délai d’exécution initialement prévu.

Cependant une telle position implique que des pénalités de retard trouveront systématiquement à s’appliquer dès lors que la réception sera assortie de réserve, dans la mesure où il serait illusoire d’imaginer que l’exécution des travaux + la reprise desdits travaux puissent raisonnablement être contenues dans le délai contractuel initial… Et ce sans distinction en fonction de la gravité ou de l’origine des vices (purement esthétiques, difficilement prévisibles ou détectables, flirtant avec la cause extérieure, conséquences de la mauvaise inexécution sur un autre lot de marché, etc…).

Une position très sévère voire injuste, donc. C’est sans doute pourquoi la cour administrative d’appel de Marseille a souligné l’existence d’un « débat d’ordre juridique » à propos de l’application ou non de pénalités de retard pendant le délai de reprise des réserves. Elle souligne en particulier que « plusieurs cours administratives d’appel ont estimé que la durée effective d’exécution des travaux prise en compte pour le calcul des pénalités de retard prenait fin au moment de la réception des travaux (CAA Lyon, 11 décembre 2008, SARL Terrenoire, n° 05LY01532 ; CAA Lyon, 18 février 2010, SA Planche, n° 07LY01299 et 09LY00808 ; CAA Paris, 24 fév. 2005, Société Alufer, n° 00PA01865) ».

Pour la petite histoire, l’existence de ce débat lui permet de conclure que la créance dont se prévaut l’acheteur (les pénalités de retard à appliquer à l’entreprise) est sérieusement contestable, et à ce titre ne peut faire l’objet d’un octroi par le biais d’un référé-provision (« Référé provision, et pourquoi pas vous ?! »).

Cour administrative d’appel de Marseille, 6ème chambre, 13 novembre 2023, 23MA02332