Quel délai de prescription pour l’action du maître d’ouvrage contre les constructeurs en l’absence de réception ?

Quel délai de prescription pour l’action du maître d’ouvrage contre les constructeurs en l’absence de réception ?

Dans un arrêt du 20 décembre 2024, le Conseil d’État est venu concilier les règles de la prescription de l’action en responsabilité contractuelle des constructeurs au regard de la réforme de la prescription de 2008 et des règles de la prescription quadriennale des créances détenues sur une personne publique.

Récemment nous vous parlions de la prescription de l’action du maître d’ouvrage.

Nous persistons et signons face à l’importance de la précision apportée par le Haut juge administratif car, en effet, il n’est pas rare que dans un litige intéressant les travaux publics, les choses « traînent » (expertises, échanges de courriers, consultations juridiques, mise entre parenthèses pour gérer un nouveau chantier, etc…).

Et parfois, la réception n’a toujours pas eu lieu.

Dans une telle configuration, le Conseil d’État a rappelé que, depuis l’entrée en vigueur de la réforme de la prescription civile, en 2008, les actions contractuelles se prescrivent a priori par 5 ans.

Nous disons « a priori » car tout bon principe a ses exceptions !

L’arrêt en rappelle d’ailleurs une majeure : les créances détenues sur une majorité de personnes publiques (État, département, communes, établissements publics) se prescrivent par 4 ans en application de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1968. (Mais à compter du 1er jour de l’année suivant la naissance de la créance, donc ces dispositions sont parfois plus intéressantes pour la victime !).

Donc les actions engagées contre le maître d’ouvrage contre ses constructeurs, en l’absence de réception (= action contractuelle), et hors cocontractant public, se prescrivent par 5 ans.

Avant 2008, ces actions se prescrivaient par 30 ans.

En 2008, les actions non encore éteintes sont automatiquement passées sous l’empire de la prescription quinquennale mais, précisé le Conseil d’État, l’application de la nouvelle règle – 5 ans à compter des faits permettant d’exercer l’action – ne permet pas de prolonger la durée de ces dernières actions. En somme, pour un délai de prescription en cours de 27 ans à la date de 2008, il n’est pas possible de faire : 27 + 5 = 32 !

Ce délai quinquennal a pour point de départ la connaissance suffisamment certaine de l’étendue du dommage. Ce faisant, le juge fait un puissant départ entre :

  • les conséquences futures mais raisonnablement prévisibles d’un dommage né et actuel ;
  • l’aggravation du dommage qui constitue elle-même un nouveau point de départ pour un nouveau délai de prescription.

Les premières, en revanche, sont enfermées dans le délai de prescription qui a commencé à courir au jour où le dommage est apparu initialement au maître d’ouvrage.

CE 20 déc. 2024, CH du Sud Seine et Marne, n° 488339