Quelles sont les conséquences d’une mauvaise qualification du contrat à passer : concession ou marché ? Le Conseil d’État vient de rappeler dans un arrêt du 2 février 2024 les lourdes incidences notamment financières d’une mauvaise qualification…

En effet, le code de la commande publique organise des règles de passation passablement plus souples – la négociation étant notamment de droit – pour les concessions, de service public ou non, y compris les fameuses DSP.

Dans l’affaire en cause, l’acheteur-autorité concédante s’était estimé en présence d’une DSP et avait, après la signature, vu son contrat résilié par un juge pour vice particulièrement grave en ce que :

  • les règles de publicité des critères des marchés n’avaient pas été respecté ;
  • la durée du contrat était « particulièrement longue », à savoir 10 ans ;
  • et enfin aucun avis d’attribution n’avait été publié.

Suite à cette résiliation, le titulaire déchu et déçu avait eu la bonne idée de réclamer à l’acheteur-autorité concédante une indemnité pour le préjudice subi

De jurisprudence constante, ce droit n’est pas contestable dans son principe : le droit à indemnisation de feu-le-cocontractant s’apprécie au regard des motifs de la décision juridictionnelle et, le cas échéant, des stipulations contractuelles applicables.

L’entreprise privée de son gain peut réclamer l’indemnisation :

  • des dépenses utiles à la collectivité ;
  • de son manque à gagner si l’administration a commis une faute, sauf un éventuel partage de responsabilité par exemple si l’entreprise est « complice » de la faute en question.

Et ce sous réserve qu’il existe un lien direct entre la faute et le manque à gagner. Et : « lorsque l’irrégularité du contrat consiste en des manquements aux règles de passation commis par le pouvoir adjudicateur, le lien de causalité entre cette irrégularité et le préjudice invoqué par l’attributaire résultant de la résiliation du contrat ne peut être regardé comme direct lorsque ces manquements ont eu une incidence déterminante sur l’attribution du contrat. »

C’est sur ce point que l’arrêt du Conseil d’État est le plus surprenant puisque, selon lui, la durée du contrat et l’absence d’avis d’attribution, au même titre que la non-communication complète sur les critères, a eu une telle influence déterminante sur le choix de l’attributaire.

Il semble que le non-respect des formalités européennes soit à la fois des vices d’une particulière gravité et des vices en lien direct avec le choix de l’attributaire. Alors, moralité : concession ou marché, il faut pas se tromper !

CE, Chambres réunies, 2 février 2024, 471318