La résiliation tacite du marché de maîtrise d’œuvre (MOE), c’est possible ? Dans un récent arrêt, la cour administrative d’appel de Bordeaux a estimé que certaines conditions devaient être réunies.

En l’espèce, le marché avait été confié à un groupement de maîtrise d’œuvre, avec lequel les relations s’étaient progressivement détérioré. Le point de discorde tenait aux prétentions du groupement à une rémunération complémentaire (comme c’est étonnant !).

Sur un premier point, la prétention était fondée sur une demande du maître d’ouvrage (MO) de procéder à une mise à jour des documents de la consultation de travaux. En effet, le titulaire d’un des lots avait subi une liquidation judiciaire, après avoir exécuté 90% du marché. Le MO entendait bien entendu faire réaliser les travaux restants dans le cadre d’un nouveau marché et pour cela demandait à son MOE une modification du dossier.

Face à un refus catégorie de procéder à ces modifications sans rémunération complémentaire, le MO avait fait exécuter cette mission (et uniquement celle-ci !) par une autre entreprise.

Par conséquent la question se posait de savoir s’il avait, ce faisait, procédé à une résiliation tacite du marché de MOE : auquel cas, la question pourrait se poser de savoir si celle-ci était régulière (probablement pas en l’absence du respect d’un certain formalisme), auquel cas l’ultime question pourrait se poser de l’indemnisation du groupement titulaire.

La cour rappelle que la résiliation tacite est possible, mais qu’elle constitue une exception. Il faut comprendre que les cas dans lesquels elle est admise vont strictement s’interpréter.

Ces cas résultent « de l’ensemble des circonstances de l’espèce, en particulier des démarches engagées par la personne publique pour satisfaire les besoins concernés par d’autres moyens, de la période durant laquelle la personne publique a cessé d’exécuter le contrat, compte tenu de sa durée et de son terme, ou encore de l’adoption d’une décision de la personne publique qui a pour effet de rendre impossible la poursuite de l’exécution du contrat ou de faire obstacle à l’exécution ».

En l’espèce la cour note que le MO n’a confié que le complément de mission DCE à une tierce entreprise, et rejette pour cette raison l’existence d’un comportement non équivoque mettant un terme aux relations contractuelles. Au mieux, le groupement pourrait invoquer une exécution aux frais et risques irrégulière, mais pas une résiliation tacite !

Sur un second point, le groupement réclamait aussi une rémunération complémentaire fondée sur un allongement des délais du chantier. En l’espèce, des modifications de programme avaient été décidé qui impliquaient certains compléments de mission, et notamment le dépôt d’un permis de construire modificatif.

À noter que le MOE avait déjà reçu un complément de rémunération pour le principe même de la modification de programme. Ce complément avait été acté par avenant qui prévoyait une certaine durée d’exécution. Or, cette durée avait été largement dépassée…

Le juge relèvera toutefois que cet allongement est en réalité largement dû à l’absence de diligence du MOE lui-même : « la société (mandataire), à laquelle il a été demandé dès le mois de novembre 2017 de déposer un permis modificatif, n’a procédé à ce dépôt qu’en mars 2018, soit quatre mois plus tard ». Il relèvera également qu’il n’est ni établi ni même soutenu que l’avenant aurait sous-estimé la durée d’exécution complémentaire nécessaire.

Pour l’ensemble de ces motifs, la demande de rémunération complémentaire de ce chef est rejetée.

CAA Bordeaux, 3ème Chambre, 12 mars 2024, 22BX00722