Le contexte social a eu des répercussions sur la commande publique, notamment sur le fameux principe d’intangibilité du prix[1], théorisé en partie par la doctrine[2] et empêchant les avenants de révision.

Nous vous en parlions dans un précédent article, le Conseil d’État a ainsi rendu un avis le 15 septembre dernier, qui vient assouplir ce principe pour permettre une adaptation des contrats publics à la flambée des prix, dans la lignée de la théorie de l’imprévision.

Il est par exemple désormais possible à l’acheteur d’ajouter une clause de révision des prix pendant l’exécution, action sacrilège auparavant[3] !

Dans notre cas d’espèce il sera question de trancher sur la régularité d’une clause de révision des prix et de son avenant associé.

Un avenant de révision non censuré

Il est fait état d’un avenant ayant modifié la clause de révision du prix pour corriger sa supposée irrégularité.

Les Juges ne censurent pas cet avenant. Il y a un précédent jurisprudentiel d’exception admise. C’était en fin d’exécution du contrat, et la modification par avenant du prix était désavantageuse pour le titulaire (CE 20 décembre 2017, Société Area Impianti, n° 408562). Les conditions ne sont pas réunies en l’espèce, il est donc étonnant de n’avoir aucune mention au principe d’intangibilité du prix. Doit-on attribuer cela à l’influence des assouplissements récents évoqués précédemment ? La question reste en suspens.

Par ailleurs les requérants contestent le calcul fait entre les premières révisions et l’avenant, réclamant une compensation. Ils estiment que la révision est irrégulière.

Une clause de révision des prix irrégulière ?

L’article 18 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics alors applicable prévoyait notamment que « Lorsque le prix est révisable, le marché public fixe la date d’établissement du prix initial, les modalités de calcul de la révision ainsi que la périodicité de sa mise en œuvre. »

Les requérants arguent que la clause prévue dans le contrat serait irrégulière car elle ne se réfère pas au prix initial mais aux montants successivement révisés. Cette clause n’aurait plus alors l’utilité qui est la sienne, à savoir se conformer à la réalité économique.

Or il résulte de l’instruction que la formule initiale se référait au prix initial de l’acte d’engagement P0, avec un coefficient de révision calculé à partir de l’évolution d’indices sur une période allant de la date de la précédente révision à celle de la révision en cours.

L’avenant prévoit désormais qu’au prix initial de l’acte d’engagement P0, un coefficient de révision est calculé à partir de l’évolution d’indices sur une période allant de la date de l’acte d’engagement à celle de la révision en cours.

Les deux clauses se réfèrent donc au prix initial, établi à la date de l’acte d’engagement, c’est la formule de calcul qui n’est pas bonne. Le moyen soulevé manque donc en fait.

Mal nommer les choses, jugeait Albert Camus, c’est ajouter au malheur du monde…

Tribunal administratif de Strasbourg, 2ème Chambre, 12 avril 2023, 2003326


[1] Question N° 49419/ Réponse Assemblée Nationale 01/04/2014, Question N° 40503/ Réponse Assemblée Nationale 26/10/2021,

[2] Voir le guide des prix de la Direction des Affaires Juridiques (DAJ) d’avril 2013

[3] Voir notamment en ce sens l’arrêt CE 15 février 1957, Etablissement Dickson