Une réponse ministérielle publiée le 2 février dernier appelle les acheteurs publics à la plus grande des vigilances lors de la conclusion de contrats « types » pour la location de matériel informatique ou de reprographie.
Il n’est pas rare que les collectivités locales soient directement démarchées par les entreprises pour la conclusion de contrats de location de matériel informatique ou de reprographie.
Ceux-ci s’apparentent bien souvent à des contrats d’adhésion, pré-complétés et adaptés aux relations interentreprises (et donc, inadaptés aux relations avec le secteur public…). Et à ce titre, ces contrats font régulièrement allusion à la compétence du juge judiciaire pour le règlement des différends, y compris lorsque le cocontractant est une administration.
Et même si leur dénomination n’est pas toujours explicite (convention, devis, bon de commande, engagement…), ils constituent bel et bien des marchés publics dès lors qu’ils sont conclus entre un acheteur et une entreprise, afin de répondre à un besoin, moyennant un prix (ou toute autre contrepartie).
Si la qualification de marché public est aisément acquise pour ces contrats, leur conformité avec le droit de la commande l’est moins…
Contrats types et commande publique, une relation sous haute tension
Lorsqu’une administration est démarchée pour la conclusion d’un contrat « en direct », aucune procédure de publicité et de mise en concurrence n’aura préalablement été mise en œuvre. Et ce, potentiellement en contravention des dispositions du Code de la commande publique.
Il est donc toujours nécessaire de se demander si la signature du contrat type n’aurait pas dû être précédée de mesures de publicité et mise en concurrence au regard des règles de computation des seuils.
Par ailleurs, s’agissant du contenu-même du contrat, il se peut que celui-ci fasse application du droit privé. Ses clauses sont donc susceptibles de se heurter aux règles de la commande publique et, plus largement, à celles du droit public. Songeons par exemple à une commune qui accepte de signer un contrat dans lequel se trouve une clause élusive de responsabilité au bénéfice de l’entreprise. Clause illégale [1] !
Conseils :
L’acheteur n’est jamais dans l’obligation de signer un contrat type, celui-ci ayant la possibilité de proposer un contre-projet « assaini », dans lequel les clauses litigieuses auront été écartées.
Et plus encore, afin de ne pas être soumis aux conditions générales de vente (CGV) de l’entreprise qui sont souvent défavorables pour l’acheteur (absence de mesures coercitives vis-à-vis de l’entreprise, par exemple), ce dernier peut imposer la signature d’un cahier des charges synthétique renvoyant au CCAG.
Contrats administratifs, sous le viseur du juge administratif
Les marchés publics conclus par des personnes morales de droit public sont des contrats administratifs par détermination de la loi, conformément à l’article L. 6 du Code de la commande publique.
Et qui dit contrat administratif, dit… juge administratif[2] !
Mais que se passe-t-il si une clause du contrat indique que les litiges afférents ressortent de la compétence du juge judiciaire ?
La clause sera sans effet sur la répartition des compétences juridictionnelles, le juge administratif demeure compétent pour connaître de ces litiges[3].
La compétence du juge administratif est en effet d’ordre public, les parties ne pouvant pas y déroger par convention[4].
Cette réponse ministérielle a ainsi le mérite de rappeler que les contrats types peuvent être source d’insécurité juridique et que de nombreuses précautions doivent être prises avant de les signer.
[1] L’article L. 2131-10 du Code général des collectivités territoriales dispose que sont illégales « les décisions et délibérations par lesquelles les communes renoncent soit directement, soit par une clause contractuelle, à exercer toute action en responsabilité à l’égard de toute personne physique ou morale qu’elles rémunèrent sous quelque forme que ce soit ».
[2] Et inversement, un marché public de droit privé relève de la juridiction judiciaire. Voir notre article sur la compétence juridictionnelle d’un contrat ayant été conclu par une société publique locale (SPL).
[3] TC 10 décembre 2018, n°4143 ; CAA de Nancy, 22 décembre 2020, n° 18NC03008.