Un candidat qui dépose son offre à 10h 00min 29 sec. pour une date et heure limites de réception des offres (DLRO) fixées à 10H00 voit-il son pli qualifié hors délai ?

Il ne s’agit plus de résoudre un cas d’école dans la mesure où les entreprises tendent à déposer leurs plis le plus tardivement possible, nonobstant les conditions générales d’utilisation des profils d’acheteur dont plusieurs prévoient un démarrage de dépôt 24H à l’avance…

Faut-il inclure ou non les secondes dans la DLRO ?

La question n’est pas nouvelle en jurisprudence, et la réponse ne l’est pas non plus (voir déjà TA Dijon, 28 décembre 2018, Société Numéricarchive, n° 1803328). En l’espèce comme à l’époque, l’acheteur avait rejeté l’offre comme tardive, et le candidat évincé mécontent s’était tourné vers le juge.

Ce dernier confirme le rejet en se contentant de répondre que : « le règlement de la consultation prévoyait, de façon claire et dénuée d’ambiguïté, que les dates et heures limites de remise des offres étaient fixées au 17 janvier 2023 à 10 heures 00 ».

Selon cette lecture extrêmement rigoriste, sans indication des secondes, l’heure limite doit se lire à la minute, et sera forclos tout candidat la dépassant de la moindre milliseconde.

Si l’on peut comprendre que le juge ne puisse pas faire preuve « d’indulgence », ainsi que le demandait le candidat, mais doit s’en tenir aux règles applicables, et si l’on convient également que la préparation de la grève du 19 janvier ne pouvait conduire à admettre un pli hors délai, puisque la grève et a fortiori la préparation d’une grève ne sont pas des évènements de force majeure, la prétendue clarté et absence d’ambiguïté évoquées par le juge pourraient toutefois se discuter…

Ainsi d’ailleurs que l’avait fait un des commentateurs qui nous ont précédé[1], à travers deux arguments.

Tout d’abord, un tel raisonnement « relève de l’interprétation, alors qu’il est présenté comme une donnée chronométrique. En effet, il est constant qu’à 17:00:25, il est encore 17:00. Ce fait ne changera qu’une fois écoulée la dernière microseconde de la minute »

Ensuite, « cette interprétation est détachée de tout pragmatisme dans le cadre des procédures marchés. Tous les acheteurs savent que l’adaptation au processus dématérialisé n’est pas chose aisée pour les fournisseurs. Il nous semble donc que ne pas accorder une souplesse qui profite au fournisseur, qui ne cause aucun préjudice aux autres concurrents ni à l’acheteur, et qui ne contrevient pas au droit positif, porte atteinte à la conciliation entre la règle de droit et la pratique ». Par ailleurs, rappelons que toutes les plateformes de dématérialisation ne prennent pas en compte les secondes, de sorte qu’il devient avisé de trancher la question dans son règlement de consultation : les secondes sont-elles incluses ou non… ?

TA Versailles, ord. 8 février 2023, n°2300644


[1] Merci à Julien Prince de nous permettre de piller sans vergogne sa propriété intellectuelle !