Les batailles perdues se résument en deux mots : trop tard. Cet arrêt nous donne l’occasion de le rappeler dans le cadre des rouages de la mise en œuvre de la garantie décennale. Il est dans la lignée de l’arrêt de la Cour d’Appel Administrative de Nantes du 24 novembre 2017, n°16NT01776.
Rappelons d’abord le principe : importée du droit privé, la garantie décennale s’applique aux marchés publics depuis l’arrêt du Conseil d’État du 2 février 1973, n°82706. Elle doit être introduite dans un délai de 10 ans à partir de la réception des travaux (CE, 15 mai 1987, n°61432).[1]
Cependant qu’en est-il lorsque des réserves ont été émises lors de la réception ?
Les juges de la Cour Administrative d’appel viennent scinder les cas de point de départ de la garantie décennale :
- Pour les désordres affectant les éléments sans réserve,le point de départ est la date de réception, même lorsque cette dernière est prononcée sous réserve de l’exécution de prestations manquantes
- Pour les désordres affectant les éléments ayant fait l’objet de réserves, le délai commence à compter de la levée des réserves
En l’espèce les travaux de réalisation de la cuisine ont été réceptionnés à la date du 26 juin 2014. Si cette réception a été prononcée sous réserve de l’exécution de certaines prestations manquantes, ces réserves ne concernaient pas les désordres pour lesquels l’acheteur sollicite la mesure d’expertise. Dès lors, il doit être considéré que le délai de l’action décennale a expiré le 26 juin 2024. L’action était donc prescrite lors de la demande.
CAA Marseille, 11 avril 2025, Commune de Vitrolles, n° 24MA03072
[1] Voir notre infographie relative à la garantie décennale