Dans une récente infographie, nous (re)faisions le point sur les différentes étapes qui jalonnent le parcours du maître d’ouvrage et de l’entreprise de travaux jusqu’à la naissance du décompte général et définitif, le fameux « D.G.D. ».
📜Aperçu sommaire du contexte règlementaire
La procédure de réception des travaux prévoit une série d’allers et retours entre les parties au marché de travaux, afin d’arriver à arrêter définitivement les comptes.
Concentrons-nous plus particulièrement sur la première pierre : « Après l’achèvement des travaux, un projet de décompte final est établi concurremment avec le projet de décompte mensuel afférent au dernier mois d’exécution des prestations ou à la place de ce dernier. (…) Le titulaire transmet son projet de décompte final au maître d’œuvre ».
Le projet de décompte final fourni par le titulaire marque donc le point de départ de cette procédure.
Il produit ce qui est souvent appelé un effet cliquet, dont le maitre d’ouvrage peut se prévaloir. À savoir que « le titulaire est lié par les indications figurant au projet de décompte final » (article par 13.3.3.du CCAG-Travaux) et qu’il ne peut plus ensuite réclamer des sommes qui n’y figuraient pas, y compris dans un mémoire en réclamation préalable à un contentieux (CAA Nancy 28 mai 2009, Sté Locatelli, n° 08NC00637.). En d’autres termes, lorsqu’il établit et transmet son projet décompte final, le titulaire est déchu de son droit de réclamer ensuite des sommes oubliées.
Cet effet cliquet questionne, car son application à géométrie variable fait apparaître des formes curieuses…
⚖️Les nuances de la jurisprudence
Ainsi le Conseil d’État avait déjà jugé que l’entreprise n’est pas tenue par l’effet cliquet lorsqu’elle conteste le décompte final établi d’office par le maître d’œuvre, autrement dit dans l’hypothèse où cette même entreprise a manqué de diligence et n’a pas fourni son projet de décompte final dans les temps (ou du tout)… Mais quel est donc ce monde où les retardataires ont toujours raison ?! (CE, 19 mai 2022, n°415134 : voir notre article).
Et c’est au tour de la CAA de Paris de captiver l’attention en émoussant un peu plus les dents du cliquet.
Dans un arrêt du 19 septembre 2025, la CAA de Paris a jugé qu’un entrepreneur pouvait valablement formuler des contestations relatives à la révision des prix, alors même qu’elles ne figuraient pas dans son projet de décompte final, dès lors que le maître d’ouvrage a intégré dans le décompte général du marché un montant au titre de la révision des prix.
Pour le dire avec une simplicité enfantine : si le maître d’ouvrage n’avait rien dit l’entreprise l’avait dans l’os, mais puisqu’il a voulu la ramener c’est lui qui « s’est fait eu » 😊
🧭Ca pique en pratique
Badinage mis à part, cette jurisprudence met en perspective de vrais enjeux pratiques. Car les maîtres d’ouvrages publics sont souvent tributaires des exigences de leur paierie, qui pour sa part met un point d’honneur à respecter la lettre du marché : « le marché prévoit une révision, on applique une révision point ! »
Au final, l’effet cliquet ressemble moins à un verrou qu’à la serrure capricieuse de notre vieille Titine : encore faut-il que celui qui ait la clé sache s’en servir…