Divers lois et règlements mettent en place des dispositions permettant la lutte contre la corruption.

Ainsi des mécanismes prévoient l’exclusion de candidats aux marchés publics dans ce cadre, automatique ou sur décision de l’acheteur.

Notre cas nous permet d’en voir les contours, et l’application souvent plus difficile que la théorie.

Le candidat exclu conteste son éviction. En effet les dispositions nationales ne prévoient pas de limite temporelle à l’exclusion d’après lui. Elles seraient donc incompatibles avec les objectifs de la directive européenne et l’acheteur devrait en ce sens limiter dans le temps les mesures d’exclusion à son encontre.

Les faits reprochés au candidat exclu de la procédure de passation relèvent de la corruption active. Elle est définie, article 433-1 du Code pénal, par le fait notamment d’abuser de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d’une autorité ou d’une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable.

L’associé majoritaire de la société avait été déclaré coupable le 2 décembre 2022 de faits s’étant déroulés du 1er janvier 2012 au 26 mai 2016 alors qu’il était gérant de la société. Des rémunérations et avantages avaient été versés à un agent de la collectivité acheteuse et à un assistant à maîtrise d’ouvrage afin que ceux-ci aident à la rédaction des offres ou les analysent en sa faveur.

L’acheteur argue que les dispositions du 1° de l’article L. 2141-8 du code de la commande publique lui permettent d’exclure ledit candidat :

 » L’acheteur peut exclure de la procédure de passation d’un marché les personnes qui : 1° Soit ont entrepris d’influer indûment sur le processus décisionnel de l’acheteur ou d’obtenir des informations confidentielles susceptibles de leur donner un avantage indu lors de la procédure de passation du marché, ou ont fourni des informations trompeuses susceptibles d’avoir une influence déterminante sur les décisions d’exclusion, de sélection ou d’attribution « .

Il est indéniable que la volonté d’influer sur le processus décisionnel est actée par la condamnation pénale. Cependant quelles sont les limites de l’application de l’exclusion dans le temps?

Le Juge des référés va avoir une interprétation de cette règle d’exclusion allant dans le sens de la directive européenne car les faits n’ont pas de « caractère récent ». Dans son article 57, celle-ci prévoit une limite temporelle de trois ans à compter de la date de l’événement concerné.

Cela est d’ailleurs factuellement cohérent avec le fait que le candidat évincé ait été attributaire d’un marché en février 2023. Une offre faite dans le cas d’un second marché a de surcroit été examinée par le défendeur au mois de mai 2023, sans exclusion.

Dans la pratique, d’après un spectre plus large, on peut légitimement s’interroger sur la portée de l’exclusion. Les faits étant actés par une décision de justice intervenant plus de trois ans après les faits, cette ordonnance ne souligne-t-elle pas la légèreté concrète des sanctions dans la commande publique en cas de corruption active ?

Tribunal administratif de Marseille, 7 septembre 2023, 2307702