« On répare tout le préjudice, mais rien que le préjudice ». Notre arrêt illustre bien cet adage. Le candidat demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat. L’indemnisation lui est-elle due ? Dans quelles proportions ?
Les conditions du droit à indemnisation
Notre arrêt rappelle les conditions pour obtenir une indemnisation[1] :
- Il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l’irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction. Concrètement l’irrégularité doit avoir conduit au rejet.
- Quand le candidat évincé n’est pas dépourvu de toute chance de remporter le contrat, il a droit en principe au remboursement des frais qu’il a engagés pour présenter son offre.
- Quand le candidat évincé avait une chance sérieuse de remporter le contrat, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, incluant nécessairement les frais de présentation de l’offre, lesquels n’ont donc pas à faire l’objet, sauf stipulation contraire du contrat, d’une indemnisation spécifique[2].
Les conditions sont bien réunies pour obtenir cette indemnisation. En effet les prestations ont été substantiellement modifiées et ces irrégularités ont causé préjudice au requérant. Pour les lots 2 et 3, il a seulement droit au remboursement des frais engagés pour la présentation de son offre. Pour le premier lot, une chance sérieuse de remporter le contrat induit l’indemnisation du manque à gagner. Quelles sont les modalités de calcul de celle-ci ?
Le calcul du montant de l’indemnisation
Le principe est que le manque à gagner doit revêtir un caractère certain. Ainsi il ne peut être demandé une indemnisation sur les quatre périodes. Seule la période initiale du contrat étant actée est concernée, en opposition à l’éventualité des reconductions.
Dans le cadre d’un accord-cadre avec minimum, l’indemnisation ne peut excéder ce dernier.
De plus cela doit être justifié. Le fait que l’entreprise ne fournisse pas ses bilans 2007 et 2008 et que les bilans 2009 et 2011 ne présentent pas de compte de résultat caractérisent en ce sens une carence.
Un « tableau de synthèse des revenus attendus la première année du contrat » sert donc de base. Il expose ses charges et n’est pas contesté en défense.
Le montant minimum de l’accord-cadre litigieux était de 350 000 euros. Or selon ce document, ce qui aurait dû être engagé pour exécuter les prestations du lot n° 1 excédait ce montant de 350 000 euros. Il n’y a en effet pas de manque à gagner quand la somme des charges engagées pour réaliser la prestation est supérieure au montant minimum.
Cour administrative d’appel de Marseille, 6ème chambre, 11 septembre 2023, 19MA05388
[1] Voir également notre brève L’intérêt général en rempart contre l’indemnisation du candidat irrégulièrement évincé
[2] Voir en ce sens CAA Paris, 4 mai 2010, Région Ile-de-France, n° 08PA04899