Voici un contentieux en référé dont la décision est pour le moins originale ! Il s’agit d’un acheteur qui a fait appel à un maître d’œuvre (MOE). Jusqu’ici tout est banal.

À la suite de son analyse et après qu’il a élaboré le rapport d’analyse des offres, notre syndicat intercommunal suit l’avis dudit maître d’œuvre. Toujours rien à signaler.

Il informe la société requérante de son rejet en lui indiquant qu’ « après une évaluation attentive de toutes les propositions reçues », son offre n’est pas retenue et que cette décision é été prise en considération des critères de sélection énumérés dans le règlement de la consultation.

Le candidat évincé demande l’annulation de cette décision. Il se fonde sur le fait que les pièces du dossier ne permettent pas d’établir que le maître d’ouvrage aurait exercé la pleine compétence décisionnelle qui lui était dévolue!

Le fait qu’il avait confié, comme il en avait certes la possibilité, à la maîtrise d’œuvre l’analyse de la procédure n’est pas contesté par le candidat évincé.

Cependant pour ce dernier les griefs sont doubles. Le maître d’œuvre a été un interlocuteur direct des entreprises au cours de la procédure comme en témoigne le courrier adressé à la requérante le 2 juillet 2024, mais surtout… a élaboré le rapport d’analyse des offres.

Comment démontrer l’exercice de la compétence décisionnelle ?

Ce moyen soulevé par le candidat et validé par le Juge semble très sévère. S’il est en effet maladroit de la part du maître d’œuvre d’avoir été en lien direct avec les candidats, il est toutefois à noter que le rapport transmis est un document préparatoire, et c’est bien l’acheteur qui a envoyé les lettres de rejet. Cela induit une validation de la décision du maître d’œuvre, et donc un examen personnel, contrairement à ce qui lui est reproché. A tout le moins rien ne prouve que cela n’a pas été fait. Cette décision renverse en quelque sorte la charge de la preuve. Il appartient donc implicitement à l’acheteur de démontrer qu’il a examiné les offres, ce qui semble par ailleurs difficile à prouver quand le maître d’œuvre l’assiste dans l’analyse…

Le syndicat intercommunal, n’a par ailleurs pas produit de mémoire en défense et s’est tourné, dans le cadre du contentieux, vers le maître d’œuvre pour recueillir des éléments de défense ainsi qu’en attestent les pièces produites. Il est à supposer que ce manque d’implication n’a pas aidé à convaincre…

Le Juge des référés[1] va ainsi donner raison au requérant sur les divers arguments sans réellement motiver les torts et va demander de reprendre la procédure au stade de l’examen des offres.

Est-ce que le Juge des référés a considéré qu’il s’agissait in fine d’un mandat de maîtrise d’ouvrage et sur quelle base le cas échéant ? Auquel cas la sanction serait logique car l’article L2422-11 du Code de la Commande Publique impose que cette mission est incompatible avec toute mission de maîtrise d’œuvre.

Est-ce une sanction face au manque d’implication du défendeur ?

Autant de questions qui incitent à suivre l’affaire sur le jugement de fond le cas échéant…

Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 16 août 2024, 2410839


[1] Voir notre infographie sur le référé précontractuel