Réflexions autour de la réforme du régime juridique de l’avance

Réflexions autour de la réforme du régime juridique de l’avance

Avant de vous lancer à cœur perdu dans cette analyse, il vous faut faire une intense introspection sur votre état à l’issue de la lecture du décret du 15 octobre 2020 :

Je n’ai rien compris ! Cliquez, il y a un beau dessin !

Ça ne m’intéresse pas du tout !  Par contre les tardigrades

J’ai tout bien compris mais je ne vois pas bien à quoi ça sert ! Bienvenue fidèle lecteur, installe-toi confortablement et laisse-moi te guider…

Le prérequis : établir une différence entre « bornes de remboursement » et « modalités de remboursement » de l’avance

Ce que nous appellerons pour la suite « bornes de remboursement » correspond à :

  • la borne minimum, qui est le taux à partir duquel l’avance doit commencer à être remboursée ;
  • la borne maximum , qui est le taux auquel l’avance doit être totalement remboursée.

Le code de la commande publique fixe ces bornes minimum et maximum. En effet, jusqu’à la réforme, l’avance devait commencer à être remboursée à 65 % d’exécution des prestations (borne minimum), et devait être entièrement remboursée à 80% d’exécution (borne maximum).

Ensuite, nous devons déterminer comment répartir les paiements dus par le titulaire au titre du remboursement l’avance.

Schématiquement, il faut se demander si l’on demande au titulaire le remboursement en une fois, ou en plusieurs : ce sont les modalités de remboursement de l’avance.

Dans le silence du texte, ces modalités sont librement définies par l’acheteur, qui les explicite de préférence dans le CCAP.

Échelonner le remboursement de l’avance au prorata de l’avancement de l’exécution : une pratique permettant d’adoucir son remboursement

Dans la pratique, les acheteurs vont souvent prévoir des modalités de remboursement visant à adoucir le remboursement de l’avance perçue par le titulaire.

Prenons l’exemple d’un marché d’un montant de 2 000 000 € sur lequel une avance de 5% va être accordée : le titulaire percevra donc 100 000 € au titre de l’avance, qu’il devra ensuite rembourser.

Plutôt que de demander le remboursement de cette somme en une fois lorsque les 65% d’exécution sont atteints (et de fait de risquer d’avoir un décompte entièrement vidé voire négatif), l’acheteur va échelonner son paiement en plusieurs fois entre 65% et 80% d’exécution des prestations.

Le plus souvent, le calcul de cette échelonnement se fera au prorata de l’exécution des prestations, en appliquant une formule.

L’objet de la réforme : augmenter l’écart entre borne minimum et borne maximum pour adoucir le remboursement des avances importantes (>30 %)

Une fois ces prérequis en tête, on constate que la réforme a eu pour effet d’augmenter la plage qui sépare les bornes minimum et maximum :

  • pour les avances supérieures à 30% : début de remboursement à compter de la première demande de paiement, fin à 80%.
  • pour les avances supérieures à 80% : début de remboursement à compter de la première demande de paiement, fin au taux de l’avance accordée.

A quoi cette augmentation entre les bornes minimum et maximum?  Et bien à encore adoucir le remboursement progressif des avances les plus importantes !

Pour illustrer le propos, voici une représentation graphique de la progressivité du remboursement de l’avance en fonction du taux d’avancement des prestations.

Afin d’accentuer la linéarité, l’exemple reproduit un marché à 2 000 000 € sur lequel un décompte a été effectué tous les 5% d’exécution des prestations (20 décomptes) :

On constate que lorsque le fait de commencer à rembourser l’avance plus tôt (dès la première demande de paiement), permet d’adoucir considérablement la courbe de son remboursement.

Le fait de terminer le remboursement au taux de l’avance (règle lorsqu’elle est >80%), permet d’adoucir encore un peu plus le remboursement.

Il nous faut également illustrer les effets de cette progressivité plus douce du remboursement de l’avance sur le montant des décomptes.

Pour ce faire, imaginons un marché à 2 000 000 € sur lequel une avance de 40 % a été accordée (800 000 €), et observons l’impact de son remboursement sur les décomptes avant et après réforme.

On constate que le fait d’avoir une plage plus importante pour le remboursement d’une avance permet :

  • de mieux répartir le remboursement entre les décomptes ;
  • d’éviter les décomptes négatifs ;

Afin de rendre ces représentations plus « réalistes », enlevons à présent la linéarité dans l’avancement des prestations, et introduisons des écarts plus importants entre les décomptes.

Représentons donc le même marché à 2 000 000 € avec cette fois-ci 6 décomptes effectués à 5, 15, 30, 65, 85 et 100% d’avancement des prestations :

On continue de constater des courbes de remboursement beaucoup plus douces pour les avances supérieures à 30% malgré quelques « cassures », notamment lorsque l’intervalle entre deux acomptes est important.

S’agissant de l’impact sur les décomptes, gardons ce même marché à 2 000 000 € et observons là encore l’impact sur les décomptes avant et après réforme pour une avance de 40 % :

On constate que le fait de proratiser sur une plage plus importante permet, même lorsque le nombre de décompte est peu nombreux, de garder une proportion convenable entre montant du décompte et montant du remboursement de l’avance.

Conclusion

  • la réforme du régime de l’avance a pour objet d’augmenter les bornes minimum et maximum des avances les plus importantes (> 30%) ;
  • ce mécanisme n’a d’effet utile que si l’acheteur met en place un système de remboursement progressif de l’avance, par exemple au prorata de l’exécution des prestations ;
  • lorsqu’il est mis en place, il est à la faveur des entreprises qui remboursent de manière plus douce les avances dont le taux est important.