Le droit à la rémunération complémentaire du maître d’œuvre (MOE) est une question aussi ancienne qu’actuelle. Si vous avez attentivement suivi l’actualité des derniers mois, vous aurez sans doute noté :

  • La mise à jour par la D.A.J. de sa fiche technique relative aux conséquences financières pour la MOE de l’allongement de la durée du chantier (voir notre article)
  • Le rendu par le Conseil d’État d’un avis public concernant la possibilité d’introduire, en cours d’exécution, des clauses de révision du prix pour faire face à la flambée des prix (voir notre article ; voir notre infographie).

Rappelons que la rémunération des maîtres d’œuvre est forfaitaire en vertu de la loi MOP, aujourd’hui codifiée au code de la commande publique, et que cette rémunération forfaitaire implique qu’elle est normalement intangible quelles que soient les « quantités » réellement exécutées par le MOE.

Des exceptions existent (oh ?, étonnant !).

La jurisprudence Babel est souvent citée à l’appui de la présentation des hypothèses ouvrant droit à une rémunération complémentaire :

  • Faute du maître d’ouvrage (MO)
  • Modification de programme décidée par le MO
  • Prestations supplémentaires indispensables au regard des règles de l’art, même sans demande du MO
  • Prestations supplémentaires découlant de « sujétions imprévues » ; elles doivent être exceptionnelles et imprévisibles pour être qualifiées comme telles.

Dans un arrêt du 6 décembre, la cour administrative d’appel de Toulouse a livré quelques éclairages concernant les modifications de programme décidées par le maître d’ouvrage.

Dans cette hypothèse, aucune forme particulière n’est requise : ni l’avenant ni l’acceptation unilatérale par le MO du principe de la rémunération complémentaire ne sont nécessaires !

En effet, « le droit du maître d’œuvre à l’augmentation de sa rémunération est uniquement subordonné à l’existence de prestations supplémentaires de maîtrise d’œuvre utiles à l’exécution des modifications décidées par le maître de l’ouvrage. En revanche, ce droit n’est subordonné ni à l’intervention de l’avenant qui doit normalement être signé en application des dispositions de l’article 30 du décret susvisé du 29 novembre 1993, ni même, à défaut d’avenant, à celle d’une décision par laquelle le maître d’ouvrage donnerait son accord sur un nouveau montant de rémunération du maître d’œuvre ».

Cependant, si le droit à rémunération complémentaire est ouvert, il ne permet pas pour autant de présenter n’importe quelle demande n’importe comment. Le MOE doit faire état de dépenses supplémentaires engagées, et de plus les justifier par des documents issus de sa comptabilité !

C’est en tout cas ce qu’il ressort de l’arrêt de la CAA de Toulouse :

Certes, « le changement dans les conditions d’exécution du marché était de nature (…) à ouvrir droit à une rémunération de la maîtrise d’œuvre supérieure à celle accordée forfaitairement par l’acte d’engagement.

Toutefois, pas plus en appel qu’en première instance, la société (demanderesse) ne justifie par les documents qu’elle produit de l’existence de dépenses supplémentaires qu’elle aurait engagées pour l’exécution du marché du fait de la modification du programme de ce marché par le maître d’ouvrage.

(…) En tout état de cause, les documents produits ne sont pas issus de sa comptabilité et, par suite, ne peuvent être regardés comme ayant une valeur probante. »

CAA Toulouse, 6 décembre 2022, n° 20TL02763