Un récent jugement du Tribunal administratif de Lille est l’occasion de revenir sur le système d’acquisition dynamique, son domaine (achat d’usage courant) et ses marchés spécifiques !
Loin d’être un simple ersatz d’accord-cadre à marchés subséquents, le S.A.D. a sa logique propre et son registre de questions bien piégeuses. Parmi elles, la question des recours.
En effet, le S.A.D. a ceci de particulier qu’il n’est pas lui-même un contrat, mais un « processus », qui permet à terme d’attribuer des contrats (les fameux marchés spécifiques). Ce qui laisse donc – très – grande ouverte la question de savoir ce que le référé précontractuel permettra de faire face à un rejet de candidatures, puisque la directive recours n’impose finalement aux États-membres que de s’assurer « que le pouvoir adjudicateur ne peut conclure le marché avant que l’instance de recours statue ».
Bonne nouvelle en l’espèce toutefois, c’est bien l’attribution du marché spécifique même qui a fait l’objet d’un recours (ouf, nous pouvons confier la réponse à l’autre question à notre ami le plus précieux).
Dans l’affaire jugée par le TA de Lille, le juge administratif aborde tout d’abord la question du standstill.
Si celui-ci est obligatoire en procédure formalisée, il devient facultatif en procédure adaptée ou pour l’attribution des marchés fondés sur un accord-cadre ou sur… un système d’acquisition dynamique !
Toutefois, dans ces derniers cas, il conserve l’intérêt non négligeable de fermer la voie du référé contractuel. En effet, nous parlions à l’instant du référé précontractuel : celui-ci n’est possible que tant que le contrat n’est pas signé. Or, si l’acheteur signe le contrat immédiatement en procédure adaptée ou dans le cadre d’un S.A.D., il ouvre automatiquement la voie au référé contractuel.
En l’espèce, aucun délai de standstill n’a été volontairement respecté. Le référé contractuel est donc recevable et l’attribution du marché spécifique peut être contestée par les autres opérateurs admis dans le système.
Au terme de son analyse, le TA de Lille a prononcé l’annulation du contrat au constat d’une méconnaissance des modalités de mise en concurrence des marchés spécifiques. Ce qui est particulièrement intéressant ici, ce sont les deux points suivants.
D’une part, le TA constate que l’acheteur a « sciemment introduit dans sa consultation un élément d’appréciation pondéré qui aurait nécessairement pour conséquent de conférer un avantage déterminer à la solution (de l’un des opérateurs du système) ». Les cahiers des charges dits orientées sont donc condamnés avec force, les S.A.D. ne faisant pas exception à la règle.
D’autre part, le TA regrette l’introduction d’exigence tenant à une interopérabilité technologique complexe et unique des dispositifs médicaux de télésurveillance « alors que le SAD dont l’objet était de permettre aux candidats sélectionnés d’accéder à un marché public ouvert pour des produits réputés par principe d’usage courant ». Ce faisant le tribunal affirme indirectement que l’achat d’usage courant tend à se rapprocher de la notion de besoin standardisé (voire à se confondre avec elle ?). Cette précision aussi mince soit-elle est inestimable à l’heure où le S.A.D. prend son envol sans filet de sécurité, en l’absence de jurisprudence fournie…
TA Lille, ord. 6 mai 2025, Sté Abott Médical France, n°2503111
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