Quelle est la limite entre la transparence, grand principe s’il en est de la commande publique, et la violation du secret des affaires ? Cette limite est souvent trouble et difficile à évaluer car cette thématique est sujette à interprétation. Notre arrêt est un exemple permettant d’en rappeler les contours.

Les requérants reprochent la divulgation par l’acheteur du mémoire technique lors de la procédure en référé, donc à leur concurrent direct, attributaire. Ils demandent à ce titre une indemnisation au vu du préjudice que constituerait notamment la perte de chance d’emporter des marchés.

La violation du secret des affaires

Le secret des affaires comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles, selon l’article L311-6  du Code des relations entre le public et l’administration.

Or l’acheteur a communiqué l’ensemble du mémoire lors du référé, sans en occulter aucun passage, alors même qu’il aurait pu produire, à l’appui de sa défense, le seul extrait de l’offre technique non conforme aux prescriptions des cahiers des charges.

Une réponse ministérielle prohibait déjà cela en 2010. De même, la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) émet des avis défavorables (voir notamment l’avis 20132924 du 24 octobre 2013) dès lors que les mémoires contiennent nombre d’informations couvertes par le secret en matière commerciale et industrielle, notamment des mentions relatives aux moyens techniques.

En l’espèce l’acheteur se défend d’avoir transmis des informations de ce type car le mémoire ne comporte pas d’information financière ni de stratégie commerciale, et il est accessibles sur le site internet de la société requérante.

Cet argumentaire est balayé par les Juges, pour qui le mémoire va au-delà des informations publiées. Il y a donc bien une violation du secret des affaires. Cela est-il suffisant pour obtenir une indemnisation ?

L’effectivité du préjudice subi

Quel est le lien de causalité entre cette faute de l’administration et un quelconque préjudice ?

Le requérant argue que la divulgation de ce mémoire l’a pénalisé dans l’octroi de marchés ultérieurs. Or concrètement il ne démontre aucune diminution de l’activité ni manque à gagner moyen par marché. Idem pour le préjudice moral résultant de l’atteinte à son image et à sa réputation professionnelle.

De plus ce dernier et l’attributaire du marché litigieux ont candidaté en groupement à un autre marché de prestations semblables, et en ont obtenu l’attribution. Il ne peut donc justifier d’un préjudice résultant de la perte de chances de signer de nouveaux contrats.

La violation du secret des affaires n’ouvre donc en l’espèce droit à aucune indemnité.

Tribunal Administratif d’Amiens, 02 août 2023, n°2102207