Plantons le décor. Période Covid. Confinement. Un centre hospitalier doit assurer la continuité du service de transport sanitaire, en urgence. Un contrat sans publicité ni mise en concurrence préalable sur ce fondement est conclu. Le prestataire devait assurer le transport médical de patients dans le cadre des missions relevant de la structure mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) ainsi que l’acheminement de malades lors des tournées médicales.
Après qu’un concurrent évincé lui a fait savoir que la société attributaire n’était pas titulaire d’un certificat de transport aérien, l’acheteur a demandé à son cocontractant de lui fournir, notamment, un extrait K-bis récent ainsi que les documents attestant de la régularité de sa situation au regard de ses obligations fiscales et sociales. Puis, suite à une mise en demeure infructueuse de lui fournir les documents précités, le marché a été résilié aux torts exclusifs. Le titulaire conteste cela et demande une indemnisation au titre des préjudices subis du fait de la résiliation du marché.
Pour rappel, il incombe en principe au Juge, eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d’office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel.[1]
Les vices du contrat, d’une particulière gravité justifiant la nullité du contrat ?
L’acheteur invoque plusieurs motifs.
Le titulaire n’avait pas personnellement exécuté le marché mais confié les prestations de transports à des entreprises tierces. Il s’était abstenu de produire les documents attestant de la régularité de sa situation au regard de ses obligations fiscales, et n’était titulaire ni de la licence d’exploitation et du certificat de transport aérien ni de l’agrément délivré par le directeur de l’agence régionale de santé pour l’accomplissement de missions de transports sanitaires.
Dans la pièce contractuelle « cadre de réponse technique », le candidat assurait pourtant avoir fourni le document relatif à l’agrément transport, et s’était engagé à transmettre « avant prestation » les « licences pour les pilotes et copilotes ».
In fine tous ces éléments permettent de démontrer que les prestations que le centre hospitalier attendait de son cocontractant ne consistaient nullement en une simple activité de coordination de l’activité de transporteurs aériens extérieurs au marché comme l’affirme le titulaire, mais dans la réalisation même des opérations de transports sanitaires.
La nullité du contrat a logiquement fait disparaître l’ensemble des relations contractuelles entre les parties, l’indemnité n’est donc pas due.
Cour administrative d’appel de Bordeaux, 6ème Chambre, 16 avril 2024, 22BX00999
[1] Jurisprudence dite « Béziers I » (CE 28 décembre 2009 Commune de Béziers, n° 304802)