Le 14 août 2018, le pont Morandi, situé à Gênes, s’est effondré, provoquant la mort de 43 personnes. La personne publique a alors engagé une procédure contre le concessionnaire pour manquement grave aux obligations d’entretien et de conservation du réseau autoroutier. Ils ont conclu un accord de règlement amiable qui a mis un terme à la procédure engagée. Une association de consommateurs a par suite institué un recours en annulation contre les actes ayant validé cet accord.
Le juge national vient poser trois questions préjudicielles auxquelles le juge européen répond :
1) Est-il contraire au droit de l’Union d’interpréter la réglementation nationale en ce sens que l’administration concédante peut instruire une procédure de modification concernant le concessionnaire et l’objet d’une concession, ou de renégociation, sans évaluer l’obligation d’organiser remise en concurrence ?
Il y a lieu de relever que la modification de contrats de concession en cours est régie par l’article 43 de la directive 2014/23.
Le principe est simple : toute modification des dispositions d’une concession en cours exige, en principe, l’organisation d’une nouvelle procédure d’attribution, à l’exception des modifications visées aux paragraphes 1 et 2 de cet article. Ces modifications n’imposant pas cette nouvelle procédure sont par exemple les cas de réexamen prévus dans le contrat, les prestations supplémentaires, les modifications non substantielles…
Le Juge européen renvoie donc au juge national le soin d’apprécier si la situation relève d’un des cas exceptionnels détaillés dans ces deux paragraphes.
2) Quid de l’évaluation de la fiabilité d’un concessionnaire qui a commis un manquement contractuel grave ?
Le pouvoir adjudicateur doit, préalablement à la modification d’une concession nécessitant l’organisation d’une nouvelle procédure, examiner la fiabilité des candidats conformément aux dispositions de l’article 38 de la directive susmentionnée.
En revanche, dans l’hypothèse où la modification ne doit pas faire l’objet d’une nouvelle procédure d’attribution, aucune obligation de ce type n’est imposée à la personne publique par les textes européens. Les circonstances telles que celles du litige, à savoir une modification importante de la composition de l’actionnariat du concessionnaire ne génèrent donc pas cette obligation pour l’acheteur au niveau du droit de l’union européenne.
Il appartient à chaque État membre de déterminer les règles permettant au pouvoir adjudicateur d’agir lorsque le concessionnaire a commis ou est suspecté d’avoir commis en cours d’exécution un manquement contractuel grave, remettant en cause sa fiabilité.
3) En cas de violation du principe de mise en concurrence et/ou de non-fiabilité du concessionnaire, le droit de l’Union impose-t-il de résilier ladite concession ?
L’article 44 de la directive prévoit que les États membres veillent à ce que les pouvoirs adjudicateurs aient la possibilité de résilier une concession en cours lorsqu’une modification de cette dernière a eu lieu sans qu’ait été organisée une nouvelle procédure d’attribution en violation de l’article 43, paragraphe 5, de ladite directive.
CJUE 7 novembre 2024, C-683/22, Adusbef