Chers acheteurs, vous pouvez parfois être tentés de prolonger le plaisir en émettant des bons de commande alors que l’accord-cadre a expiré. Cet arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes vient nous rappeler qu’il ne faut surtout pas le faire !
Les requérants demandent le paiement de prestations réalisées suite à huit bons de commande émis après l’expiration de l’accord-cadre. Les Juges viennent vérifier la validité de ces bons, puis évoquer le principe de l’enrichissement sans cause, principe subsidiaire.
L’irrégularité des bons de commandes émis après l’accord-cadre
L’article 77 de feu le Code des marchés publics alors applicable [1] prévoyait que « L’émission des bons de commande ne peut intervenir que pendant la durée de validité du marché. »
Ce sont de simples actes d’exécution du contrat[2]. Ainsi un bon de commande émis après la durée de validité de l’accord-cadre n’est pas régulier et n’ouvre donc pas droit au paiement[3]. Ces derniers peuvent cependant être émis avant la fin de l’accord-cadre pour une exécution ultérieure à l’expiration de celui-ci, dans des conditions ne méconnaissant pas l’obligation de remise en concurrence périodique. Cela se traduit par un délai raisonnable d’exécution.
En l’espèce les bons de commande sont émis après le terme de l’accord-cadre. Même si les prestations sont mises en œuvre dans les mêmes conditions tarifaires, le titulaire ne peut pas se prévaloir de l’accord de l’acheteur. Le contrat précédent n’existe plus et aucun nouveau n’a été conclu.
Le paiement sur le terrain contractuel n’est donc pas possible, il est par contre possible d’invoquer le fondement de l’enrichissement sans cause.
L’indemnisation sur le fondement d’enrichissement sans cause
Ce principe d’enrichissement sans cause est issu de la jurisprudence, qui l’ a érigé en principe général du droit, même sans texte[4]. Concrètement cela conduit, sur la base du principe d’équité, à interdire de s’enrichir de façon injustifiée au détriment d’autrui. Ainsi, en recours subsidiaire seulement, quand une personne physique ou morale a subi un appauvrissement au profit d’une autre, elle peut en obtenir la compensation.
Les conditions sont que la poursuite des prestations ait été demandée par l’acheteur, et que les prestations lui aient été utiles[5]. Le fournisseur est donc recevable à réclamer, au titre de l’enrichissement sans cause, le remboursement des dépenses qu’il a effectuées pour les prestations.[6]
Cependant le requérant, titulaire, a renoncé expressément à invoquer ce moyen pour obtenir sa compensation !! Il n’est donc pas fondé à recevoir la somme demandée.
Cour administrative d’appel de Nantes, 4ème chambre, 21 avril 2023, 22NT00953
[1] Actuellement repris à l’Article R2162-5 du Code de la Commande Publique
[2] Voir Question n° 05532 de M. PIRAS Bernard publiée le 11/09/2008
[3] Voir en ce sens CAA Bordeaux, 8 septembre 2009, Sté Bull SA, n° 08BX00203 ou encore CAA de Versailles, 8 février 2018, Centre hospitalier d’Arpajon, n°16VE01638
[4] Conseil d’État 14 avril 1961 Ministre de la construction c/ Soc. Sud Aviation
[5] Voir en ce sens CAA Marseille 24 septembre 2018 Société Plomberie de la Têt, req. n° 17MA00879
[6] Voir en ce sens notre article Enrichissement sans cause et sous-traitance