Construction et marchés publics : avec le projet de loi ELAN, l’Etat lâche les rênes

Le discret projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (baptisé ELAN) a été transmis au Conseil d’Etat en ce début du mois de mars.

Coup de projecteur sur les principales dispositions impactant le droit des marchés publics dans le secteur de la construction et du logement :

  • Le recours à la préfabrication facilité en marchés publics allotis (article 18)

Les acheteurs pourront définir leurs lots afin de permettre la mise en œuvre d’ouvrages préfabriqués. Les candidats auront alors la possibilité de proposer des offres variables selon le nombre de lots susceptibles d’être obtenus[1].

Pour rappel, le dispositif initialement prévu à l’article 32 de l’Ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics autorisait les candidats à présenter des offres variables selon le nombre de lots susceptibles d’être obtenus. Cette disposition, jugée certes économiquement intéressante pour les acheteurs mais au détriment des petites et moyennes entreprises, et in fine censurée par la loi Sapin II en 2016, pourrait donc bien revoir le jour…mais uniquement pour permettre la mise en œuvre d’ouvrages préfabriqués.

  • La loi MOP serait modifiée pour les Offices Publics de l’Habitat (article 28, V et VI)

Les OPH ne seraient plus soumis au respect du Titre II de la loi MOP listant les missions confiées à un maître d’œuvre et fixant sa rémunération forfaitaire.

De même que le recours obligatoire à la procédure de concours pour la construction d’ouvrages de bâtiments, réintroduit par la loi dite LCAP du 7 juillet 2016, devrait être supprimé.

Le projet de loi prévoit également de prolonger jusqu’au 31 décembre 2021 pour le secteur HLM l’usage libre de la procédure de conception-réalisation, initialement prévue jusqu’à la fin de l’année 2018 (article 20).

  • Les organismes HLM devront s’organiser en « groupes » à partir du seuil de 15 000 logements (article 25-I)

A compter du 1er janvier 2021, les organismes qui gèrent moins de 15 000 logements sociaux[2], devront appartenir à un groupe d’organismes de logement social. Selon Laurent Goyard, directeur général de la Fédération nationale des OPH, le but est de « favoriser les coopérations et de les rendre plus intégrées tout en préservant la gouvernance de chaque entité ». La répartition des missions entre les divers organismes reste à ce jour imprécise.

  • Le permis de construire devra être dématérialisé à partir du 1er janvier 2022 (article 15)

Dans la droite ligne du « Tout Démat 2018 », le permis de construire n’échappera pas à la règle. Sa demande devra faire l’objet d’une transmission électronique à compter du 1er janvier 2022. Ainsi les communes dont la population sera supérieure à un seuil fixé par décret devront recevoir et instruire les dossiers d’autorisation d’urbanisme par téléprocédure.

Rappelons que le processus législatif implique que ce texte, habilitant le gouvernement à réformer par voie d’ordonnance dans ces différents domaines, nécessite l’avis du Conseil d’Etat avant son adoption en Conseil des Ministres en vertu de l’article 38 de la Constitution. Aussi, nous ne manquerons pas de suivre avec attention la ratification de ces nouvelles dispositions.

 

Projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique

[1] L’article 18 du projet de loi prévoit de modifier l’article 32 de l’Ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics par l’ajout des deux alinéas. « Les acheteurs peuvent notamment définir leurs lots afin de permettre la mise en œuvre d’ouvrages préfabriqués au sens de l’article L.111-1-2 du Code de la construction et de l’habitation ».

« Pour permettre la mise en œuvre d’ouvrages préfabriqués au sens de l’article L.111-1-2 du Code de la construction et de l’habitation, les soumissionnaires peuvent proposer des offres variables selon le nombre de lots susceptibles d’être obtenus, dans les conditions fixées par l’avis d’appel à concurrence, et le cas échéant, les documents de la consultation ».

[2] A l’exception de ceux dont l’activité principale au cours des trois dernières années est une activité d’accession sociale à la propriété et qui n’ont pas construits ou acquis plus de 600 logements locatifs sociaux au cours des six dernières années.