Candidat ancien salarié chez l’acheteur : impartialité respectée ?
Le Juge Administratif a érigé le principe d’impartialité au rang de quatrième principe fondamental de la commande publique (Conseil d’État 14/10/2015, 390968, Revetsens).
Il s’agit dans notre arrêt de savoir si le fait qu’un salarié du candidat ait été chef de projet chez l’acheteur auparavant crée une distorsion de concurrence et va à l’encontre de ce principe.
En effet ses fonctions de directeur de projet l’ont amené à assurer le suivi de l’exécution du premier marché conclu avec la société sortante. Il a été destinataire des grilles d’auto-évaluation établies par cette dernière dans le cadre du retour d’expérience sur ce premier marché. Il a ainsi pu avoir accès à des informations ignorées des autres candidats.
Que prévoit la règlementation dans ce cadre ?
L’article L2141-8 du Code de la commande publique dispose que l’acheteur peut exclure de la procédure de passation les personnes qui soit par leur participation préalable directe ou indirecte à la préparation de la procédure de passation du marché, ont eu accès à des informations susceptibles de créer une distorsion de concurrence par rapport aux autres candidats, lorsqu’il ne peut être remédié à cette situation par d’autres moyens.
Par ailleurs l’acheteur ne doit pas fournir à certains candidats des informations privilégiées susceptibles de les avantager pour l’élaboration de leurs offres ou restreindre l’accès au marché en définissant le besoin ou les spécifications techniques (CJCE, 3 mars 2005, Fabricom SA, aff. C-21/03 et C-34/03).
Les informations étaient-elles susceptibles de créer une distorsion de concurrence ?
Les fonctions opérationnelles de l’ancien salarié ont pris fin par la rupture conventionnelle de son contrat de travail avec dispense d’activité à compter du 6 juin 2022, il était en outre en arrêt maladie continu depuis le 11 mars 2022, soit deux années avant le lancement de la procédure de passation en litige.
Il n’a participé à aucune réunion ni pris part d’une quelconque manière dans l’organisation. Ces fonctions ne sauraient par elles-mêmes être regardées comme lui ayant donné accès à des informations sur l’élaboration du projet de marché susceptibles de créer une distorsion de concurrence. Ainsi la seule circonstance qu’un salarié d’une société candidate ait été employé par l’acheteur est, par elle-même, insusceptible d’affecter l’impartialité de ce dernier.
Fuite d’informations confidentielles sur un candidat : la rupture d’égalité de traitement peut être « réparée » !
L’attention du juge se porte plus longuement sur un autre grief, soulevé par la société évincée, tenant à la diffusion accidentelle d’informations confidentielles relatives à ses prestations et à ses prix. Cette divulgation, intervenue dans le cadre de la procédure initiale, aurait pu rompre l’égalité de traitement au bénéfice de l’attributaire lors de la nouvelle procédure.
Toutefois, le Conseil d’État précise qu’une telle fuite n’emporte pas automatiquement nullité : encore faut-il apprécier si l’acheteur a pris les mesures nécessaires pour en neutraliser les effets. Or, après avoir déclaré sans suite la première procédure, l’Économat des armées a relancé un nouveau marché plus d’un an plus tard, en modifiant substantiellement sa structure : découpage géographique différent, refonte de la tarification imposant une nouvelle approche des prix.
Le juge considère que ces ajustements ont permis de rétablir une situation de concurrence équitable, aucune preuve n’étant apportée d’un avantage effectif conféré à l’attributaire. Ainsi, la diffusion initiale d’informations stratégiques n’a pas, en l’espèce, entaché la régularité de la procédure relancée.