Une société attributaire de cinq marchés passés avec le ministère des armées demande une indemnisation au titre de l’imprévision, sur fond de hausse du coût des matières premières.

L’imprévision est une théorie doctrinale issue de la jurisprudence. Elle est issue d’un arrêt du Conseil d’État, du 30 mars 1916, n°59928, « Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux. Une circulaire n° 6374 du 29 septembre 2022 vient en préciser les contours dans le contexte de la flambée des prix post-Covid, sur le fondement de l’article du Code.

Ledit article L6 3° du Code de la Commande Publique dispose que « lorsque survient un évènement extérieur aux parties, imprévisible et bouleversant temporairement l’équilibre du contrat, le cocontractant, qui en poursuit l’exécution, a droit à une indemnité. « . Il résulte de ces dispositions qu’une modification imprévisible du coût de la main d’œuvre ou des matières premières doit être indemnisée par la personne publique si elle a eu pour effet d’entraîner un bouleversement de l’économie du contrat. »

Nous relevons ici quatre conditions cumulatives de mise en œuvre de l’indemnisation :

  • L’évènement extérieur aux parties
  • Le caractère imprévisible
  • Le bouleversement temporaire de l’économie du contrat
  • La poursuite de l’exécution

En l’espèce la société requérante soutient qu’elle a un manque à gagner de 28,31 % du montant initial hors taxes du marché. Toutefois le Juge Administratif a une interprétation très stricte des conditions susmentionnées. En effet il constate que si un tel déficit est de nature à caractériser un bouleversement de l’économie de ce contrat, il appartient toutefois au requérant d’en justifier comptablement la réalité. [1]

Or notre requérant ne dispose pas de comptabilité analytique par marché et sollicite que son indemnisation soit liquidée sur la base de la variation de l’indice du bâtiment et des travaux publics sur la durée d’exécution du marché. Toutefois une augmentation même significative de cet indice n’implique pas nécessairement que l’économie du marché ait été bouleversé.

Dès lors que cela ne peut être regardé comme établi, la société requérante n’est pas fondée à demander une indemnité d’imprévision au titre de ce marché.

Tribunal administratif de Polynésie française, 1ère Chambre, 16 avril 2024, 2300369


[1] Voir en ce sens notre article les étapes de la théorie de l’imprévision