La forme, c’est le fond qui remonte à la surface, d’après Victor Hugo. Il s’agit ici de déterminer les modalités concrètes d’indemnisation du titulaire en cas de résiliation pour ordre de service tardif.
Les requérants ont demandé la résiliation du marché pour ordre de service tardif, ainsi qu’une indemnisation. L’acheteur avance qu’un mémoire en réclamation devait être transmis pour obtenir cette indemnisation.
Dans un premier temps, les stipulations de l’article 46.2.1 du CCAG-Travaux prévoient un ordre de service de démarrage des travaux dans un délai de six mois suivant la notification du contrat, en cas d’absence de délai fixé dans le contrat.
En cas d’ordre de service tardif, cet article permet au titulaire de demander la résiliation, par écrit.
Lorsque la résiliation est demandée par le titulaire en application du présent article, elle ne peut lui être refusée.
En l’espèce l’acte d’engagement du 31 décembre 2013 a été suivi d’un ordre de service émis le 21 juillet 2014. Les juges ont donc bien donné droit aux requérants en requalifiant cette résiliation pour ordre de service tardif et non pas aux torts du titulaire comme motivé initialement par l’acheteur.
Lorsque le contrat est résilié pour ordre de service tardif, l’article du CCAG-Travaux précité prévoit une indemnisation des frais et investissements éventuellement engagés pour le marché et nécessaires à son exécution. Le titulaire doit, à cet effet, présenter une demande écrite, dûment justifiée, dans le délai de deux mois, à compter de la notification de la décision de résiliation.
Les requérants ont bien respecté ces modalités, néanmoins l’acheteur avance qu’un mémoire en réclamation aurait dû être transmis, conformément aux dispositions de l’article 50 dudit CCAG.
L’intérêt de cet arrêt est de savoir si les conditions de l’article 46.2.1 sont suffisantes pour obtenir l’indemnisation en cas de résiliation pour ordre de service tardif ou si l’article 50, relatif aux différends entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, s’applique.
Pour rappel, ce dernier prévoit :
- La rédaction d’un mémoire en réclamation (exposant les motifs de son différend, et indiquant, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournissant les justifications nécessaires correspondant à ces montants)[1].
- La transmission du mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et une copie au maître d’œuvre.
Les Juges du Conseil d’État viennent donner tort aux juges de l’appel sur ce point. En effet selon eux aucune stipulation de l’article 46.2.1 ne dispense expressément de l’application de l’article 50.
Ils énoncent clairement qu’un mémoire en réclamation doit être transmis au pouvoir adjudicateur et au maître d’œuvre avant saisine du Juge, la simple demande écrite ne suffit pas pour être indemnisé en cas de résiliation pour ordre de service tardif.
Conseil d’État, 7ème – 2ème chambres réunies, 29 décembre 2022, 458678
[1] Voir en ce sens notre article La production d’un mémoire en réclamation par référence à un ancien courrier est-elle possible?