« La porte de l’invisible doit être visible » selon René Daumal. Cela illustre notre cas d’espèce, dans lequel nos requérants souhaitent contester le rejet de leur candidature à un marché public pour pièce manquante.

C’est l’occasion pour le Juge des référés de rappeler le principe et l’exception.

La règle est que le règlement de consultation est obligatoire dans toutes ses mentions. On ne peut donc attribuer un marché public à un candidat n’ayant pas respecté une de ses prescriptions. L’article L. 2152-2 du code de la commande publique énonce ainsi : « Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu’elle est incomplète ». La jurisprudence constante va en ce sens également (voir notamment CE, 23 novembre 2005, 267494 ; CE, 20 septembre 2019, 421075…).

Notre acheteur avait rejeté le candidat pour cause d’absence de pièce justifiant de l’autorisation préfectorale d’exploitation.

En principe il a donc raison de l’avoir évincé, mais la pratique est souvent plus sinueuse !

Deux aspects sont à considérer :

Le premier est que le candidat avait déjà transmis ledit document dans une précédente consultation. Ainsi au nom du principe « Dites-le-nous une fois » prévu article R.2143-14 du Code, « les candidats ne sont pas tenus de fournir les documents justificatifs et moyens de preuve qui ont déjà été transmis au service acheteur concerné lors d’une précédente consultation et qui demeurent valables, même si celui-ci ne l’a pas expressément prévu » (voir pour rappel notre billet à ce sujet).

Ensuite la société n’a certes pas transmis la pièce mais elle a indiqué qu’une société déterminée, qui a signé une lettre d’engagement auprès d’elle, bénéficiait d’une telle autorisation par l’arrêté préfectoral n° 06-1725 du 12 décembre 2006. Cet arrêté a été publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du mois de décembre 2006, donc accessible à tous.

Cela donne un caractère public au document et justifie de ne pas être obligatoirement transmis dans le dossier de candidature. Voilà donc la fameuse exception des pièces à caractère public et donc manifestement dépourvues de toute utilité pour l’examen des candidatures ou des offres, dans la lignée de la jurisprudence administrative ( notamment CE 23 novembre 2005, 267494;CE, 22 décembre 2008, n° 314244, Ville de Marseille). L’offre n’est donc pas irrégulière.

Tribunal administratif de Bastia, 4 août 2023, 2300865