Quelles sont les conséquences lorsque le signataire du contrat public a un défaut de compétence ? A quoi correspond concrètement la compétence de signature du maire en contrat public ?

Ce sont autant de questions auxquelles répond notre cas d’espèce. Le maire avait signé sans délégation mais le titulaire souhaite l’application des clauses du contrat, notamment le paiement des loyers dûs par la commune.

L’incompétence du signataire actée

Pour rappel le contrat doit être conclu par une autorité administrative compétente. Les collectivités locales sont organisées selon un partage de compétence entre l’organe délibérant et l’autorité exécutive. L’assemblée délibérante décide de contracter, puis elle autorise l’exécutif à signer (article L. 2122-22 4° du Code Général des Collectivités Territoriales).

  • La délibération peut se faire en amont de la procédure en précisant obligatoirement la définition de l’étendue du besoin à satisfaire et le montant prévisionnel du marché ou de l’accord-cadre. (article L2122-21-1 du CGCT).
  • Le maire peut par ailleurs obtenir une délégation du conseil municipal qui le charge, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat, de prendre toute décision concernant la préparation, la passation, l’exécution et le règlement des marchés et des accords-cadres ainsi que toute décision concernant leurs avenants, lorsque les crédits sont inscrits au budget (Article L2122-22 4° du CGCT)

Cette délibération doit obligatoirement être transmise au contrôle de légalité dans les quinze jours suivant sa signature pour être exécutoire (article L2131-2 du CGCT).

En l’espèce, le maire n’avait pas la compétence pour signer le contrat. Il n’avait en effet pas de délégation du conseil municipal pour signer les contrats. Il n’y a pas eu non plus de délibération. Le contrat est bien vicié. Cela suffit-il à écarter le contrat ?

L’exigence de loyauté des relations contractuelles

La fameuse jurisprudence Béziers I (CE, ass., 28 décembre 2009, n°304802 ) pose le principe d’ « exigence de loyauté contractuelle ». Ainsi le raisonnement suivant est repris dans notre arrêt : « Lorsqu’une partie à un contrat administratif soumet au juge un litige relatif à l’exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d’office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel. »

Le vice d’incompétence est jugé comme étant d’une particulière gravité, c’est notamment un moyen d’ordre public (qui peut être soulevé d’office par le juge sans qu’une des parties ne l’invoque). Cependant dans un objectif de sécurisation des contrats publics, la jurisprudence est venue faire primer la loyauté des relations contractuelles.

Pour rappel quelques juges réfractaires ont parfois freiné des quatre fers, notamment avec l’arrêt CE, 8 octobre 2014, n°370588[1]. Selon cet arrêt, l’absence de décision de l’assemblée délibérante engendre la nullité du contrat sauf si, suite à la signature du contrat, celle-ci valide l’exécutif.

Cependant de façon générale la jurisprudence, notre arrêt inclus, va dans le sens de la « dérive loyaliste » en faisant primer le contrat.

Par exemple, une clause de tacite reconduction illégale ne constitue pas un vice d’une particulière gravité permettant d’écarter l’application du contrat (CE, 4 mai 2015, Société Bueil publicité mobilier urbain, n° 371455).

Dans la lignée de notre arrêt, des irrégularités dans la délibération et l’absence de transmission la rendant inexécutoire ne sauraient être regardés comme d’une gravité telle que le juge doive écarter le contrat (Conseil d’État, 27 février 2015, n° 357028).

Le Juge Administratif fait donc globalement le choix de la sécurisation juridique malgré le vice d’incompétence entachant le contrat.

CAA Lyon, 08 juin 2023, n°21LY01635


[1] Arrêt Commune Entraigues-sur-la-Sorgue