Le droit de l’Union européenne, et après lui le code de la commande publique, autorisent l’exclusion des candidats à l’attribution d’un marché qui auraient subi une sanction contractuelle ou judiciaire grave, pour une faute contractuelle elle-même grave (Art. L.2141-7 du CCP).

Mais qu’en est-il dans le cas où une résiliation sanctionne un groupement, et que l’acheteur se repose sur cette résiliation pour exclure de ses procédures ultérieures les membres de ce groupement ?

La question se doit d’être posée d’autant plus que, pour mémoire, l’irrégularité de la sanction de résiliation ne peut plus être discutée devant le juge du référé précontractuel ! (Une résiliation irrégulière peut-elle justifier l’exclusion future d’un candidat à la commande publique ?).

La Cour de justice de l’Union nous répond !

Une exclusion possible dans son principe

À commencer par le commencement, précisons d’emblée qu’une telle décision d’exclusion des membres du groupement alors que le groupement pris dans son ensemble est le titulaire du marché, n’est pas illégale. Cela est même en lieu avec la personnalité juridique et, dans une certaine mesure, la coresponsabilité des cotraitants. En effet, même dans le cadre d’un groupement conjoint, tous les cotraitants sont partie au contrat et donc responsables de sa bonne exécution. À l’inverse, le groupement n’est pas à proprement parler « partie » au contrat à défaut de personnalité juridique et donc de capacité à contracter.

Par conséquent, lors que le contrat est résilié aux torts du titulaire, il est de facto – ou plutôt de jure – résilié aux torts de l’ensemble des cotraitants.

Cependant, les acheteurs doivent composer avec le principe de proportionnalité qui irrigue tout le droit de l’Union comme le droit administratif français !

Une exclusion encadrée dans ses modalités

La Cour de justice s’est prononcée en faveur d’une possibilité encadrée, voir limitée, d’exclusion. Et au regard du principe de proportionnalité, elle pose trois conditions :

1/ On sait déjà que, dans ce cadre, l’acheteur doit au préalable organiser une procédure contradictoire qui permette à l’entreprise concernée de démontrer qu’elle a mis en œuvre les moyens nécessaires pour corriger ses précédents manquements (art. L.2141-11 du CCP).

2/ Il est également nécessaire que l’exclusion soit temporaire, et ne dépasse pas trois ans.

3/ Enfin, il est exigé de l’acheteur qu’il ait une appréciation concrète et individualisée de l’attitude de l’opérateur concerné sur la base de tous les éléments pertinents.

Ce dernier point en particulier doit retenir l’attention dans la mesure où le cotraitant frappé par l’interdiction de soumissionner peut, en réalité, n’avoir eu que très peu de choses à voir avec les motifs ayant motivé la résiliation. Aussi,

« chaque membre du groupement, juridiquement responsable de la bonne exécution d’un marché public, doit, avant qu’il ne soit inscrit sur la liste des fournisseurs non fiables et, de ce fait, soumis au régime d’exclusion temporaire des procédures de passation de marchés publics, avoir la possibilité d’établir que les défaillances qui ont conduit à la résiliation de ce marché étaient sans rapport avec son comportement individuel. Lorsqu’il s’avère, à la suite d’une appréciation concrète et individualisée du comportement de l’opérateur concerné à la lumière de tous les éléments pertinents, que celui-ci n’était pas à l’origine des défaillances constatées et qu’il ne pouvait pas raisonnablement être exigé de lui qu’il fasse plus que ce qu’il a fait pour remédier à ces défaillances, la directive 2014/24 s’oppose à ce qu’il soit inscrit sur la liste des fournisseurs non fiables ».

Et même dans le cas contraire, n’oublions pas qu’il peut aussi avoir apporté les correctifs nécessaires pour apporter de meilleures garanties d’exécution à l’acheteur !

La Cour précise enfin que si le droit interne peut prévoir des présomptions de défaillance, notamment à l’endroit des membres d’un groupement globalement défaillant, celles-ci ne pourront qu’être, en tout état de cause, réfragables. C’est-à-dire toujours susceptible d’être combattue par la preuve du contraire.

CJUE, 26 janvier 2023, HSC Baltic UAB, aff. C-682/21